Adolescents, attention à la crise d’asthme aiguë
22 janvier 2024
Face au nombre croissant d’adolescents asthmatiques, les médecins et les associations de patients tirent la sonnette d’alarme. En France, encore aujourd’hui, un adolescent peut décéder d’une crise d’asthme. Pour le Dr Françoise Pariente Ichou, responsable scientifique de la Gregory Pariente Foundation, lutter contre la mauvaise observance des traitements de l'asthme chez les ados est essentiel, car les conséquences peuvent être dramatiques.
Quelle est la réalité de l’asthme chez les adolescents ?
Dr Françoise Pariente Ichou : La maladie touche un peu plus d’un adolescent sur dix, d’après les enquêtes en classe de 3ème*. L’augmentation de la prévalence de l’asthme chez ces jeunes au cours des dernières deux décennies est devenue très préoccupante, passant de 8,6 % en 2003-2004 à 12 % en 2016-2017. Cela s’explique en grande partie par des facteurs environnementaux, notamment la hausse des allergies et de la pollution. En effet, à cet âge, 80 % des asthmes sont d’origine allergique.
Actuellement, un adolescent asthmatique perd la vie toutes les 3 à 4 semaines en France. Pourquoi ?
J’ai pour habitude de frapper les esprits avec ces quatre chiffres clés : dans une classe de 30 élèves, il y a 3 à 4 adolescents asthmatiques. Un adolescent décède toutes les 3 à 4 semaines, en France et, parmi ceux qui sont décédés, les trois-quarts ne suivaient pas leur traitement. De plus, les trois-quarts ne sont pas arrivés vivants aux urgences.
De nombreux décès sont évitables car en partie dus à une mauvaise observance du traitement de l’asthme – surtout celui « de fond » à base de corticoïdes inhalés pour réduire l’inflammation et éviter de nouvelles crises-, ce qui augmente le risque de crises sévères. Attention aussi à la mauvaise administration des inhalateurs, aux expositions à risque, tabac, cannabis mais aussi au surpoids, et plus encore à l’obésité, qui augmentent l’intensité des crises.
Comment s’explique ce problème d’observance chez l’adolescent ?
Pendant l’adolescence on observe un déséquilibre de la maturation du cerveau. À ce moment-là, la partie responsable de l’impulsivité (système limbique) se développe plus rapidement que celle liée au contrôle (cortex préfrontal). D’où des choix influencés par les émotions et orientés vers le court terme, reléguant la capacité de contrôle à un plan secondaire.
En outre, certains adolescents peuvent croire que leur état s’améliore. Appelée la “lune de miel”, il s’agit d’une période de réduction des symptômes chez ceux ayant de l’asthme modéré à sévère. Cela les amène parfois à relâcher la prise de leurs traitements, même si la maladie persiste, voire s’aggrave.
D’autres peuvent nier la maladie.A cet âge, on vit un certain conflit : on veut être en bonne santé, paraître comme les autres jeunes et refuser que la maladie perturbe sa vie personnelle. On refuse le regard des autres sur leur traitement, voire sur un handicap qui peut être « fantasmé » par des copains et d’autres jeunes qui ne savent pas vraiment ce qu’est l’asthme.
En 2022, l’asthme de l’adolescent a été reconnu comme une entité distincte de l’asthme. Sur quels critères juger que l’asthme est sous contrôle, mettant le jeune à l’abri des crises sévères ?
Les critères sont les suivants : avoir moins de deux épisodes de symptômes par semaine pendant la journée, ne pas être réveillé la nuit à cause de l’asthme, utiliser moins de deux traitements de secours par semaine, et ne pas limiter ses activités en raison de l’asthme. Si un ou deux de ces critères ne sont pas respectés au cours des quatre dernières semaines, le contrôle est considéré comme partiel. Au-delà de cela, l’asthme n’est pas bien contrôlé. Pour affiner cette évaluation, les experts recommandent l’utilisation de scores de contrôle, notamment le score ACT, composé de cinq questions, sur la gêne quotidienne, l’essoufflement, les symptômes habituels, l’usage du traitement de secours, et inclut une évaluation personnelle subjective. Si l’asthme reste mal contrôlé malgré un bon suivi, l’orientation vers un pneumologue devient nécessaire.
Asthme de l’adolescent et sport, c’est le « duo gagnant », à condition que l’asthme soit bien contrôlé. Quelles sont les consignes pratiques ?
Avant de commencer l’activité physique il faut inhaler, 10 à 15 minutes auparavant, son médicament bronchodilatateur (qui dilate les bronches) dans le but d’éviter toute contraction intempestive des bronches (spasme). Il faut aussi respecter un bon échauffement adapté et qualitatif qui permet à l’organisme de ne pas vivre l’activité physique comme un stress, ce qui risquerait de déclencher un bronchospasme (contraction et rétrécissement des bronches). Enfin, il faut tenir compte des conditions climatiques, notamment du grand froid ou des chaleurs intenses, éventuellement des pics de pollution, et reporter si possible la séance de sport. Sinon, porter un cache-col monté sur le nez permet de réchauffer l’air inhalé en cas de grand froid, et bien s’hydrater.
* nombre d’épisodes symptomatiques d’asthme ou de traitement pour asthme dans l’année
La Gregory Pariente Foundation (GPFD) a réalisé plusieurs vidéos ou dessins d’animation “choc” pour capter l’attention des adolescents telles que « La chaise vide » et « L’adolescent qui n’écoutait pas son asthme ». Pour en savoir plus : https://gpfd.fr
-
Source : D'après l'interview du Dr Françoise Pariente Ichou ; Deschildre A, et al. Mise à jour des recommandations (2021) pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adolescents (de 12 ans et plus) SPLF-SP2A. Rev Mal Respir. 2022 Feb;39(2):179-187. French. doi: 10.1016/j.rmr.2021.09.005. Epub 2022 Feb 8. PMID: 35148928.
-
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet