Affaire Joël Guerriau : qu’est-ce que la soumission chimique ?
22 novembre 2023
La députée Sandrine Josso accuse le sénateur Joël Guerriau de l’avoir droguée à son insu dans le but de l’agresser sexuellement. Il s’agit de soumission chimique, « un fléau » bien réel mais difficile à quantifier.
« On ne peut plus détourner le regard de ce fléau ». Ce fléau, dont parle la députée Sandrine Josso, c’est la soumission chimique. Pour rappel, elle accuse le sénateur Joël Guerriau de l’avoir droguée à son insu dans le but de l’agresser sexuellement. Sur le plateau de l’émission de France 5 « C’est à vous », lundi 20 novembre, la parlementaire assure qu’à l’hôpital de Lariboisière à Paris, le personnel soignant lui a assuré que « des gens comme (elle) », ils en voyaient « tous les jours, trois fois par jour ».
Dans une enquête publiée par l’ANSM, la Dr. Leïla Chaouachi, pharmacienne, membre du centre d’addictovigilance de Paris, fait la distinction entre la soumission chimique et la vulnérabilité chimique. « La soumission chimique est l’administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substance psychoactives (SPA) à l’insu de la victime ou sous la menace ». Quant à la vulnérabilité chimique, « elle désigne l’état de fragilité d’une personne induit par la consommation volontaire de SPA la rendant plus vulnérable à un acte délictuel ». Dans ces deux situations, la victime ne peut alors pas réagir, voire, est inconsciente.
Un lourd retentissement psychologique
En 2021, 727 signalements suspects ont été enregistrés soient une hausse de 34,9 % par rapport à 2020, parmi eux 82 soumissions chimiques vraisemblables et 291 cas de vulnérabilités chimiques. Les femmes sont les premières victimes mais les hommes sont également concernés. « Les agressions sexuelles sont toujours les signalements plus mentionnés (75,5%) aussi bien chez les femmes (77,8%) que les hommes (47,6%) », note l’enquête de l’ANSM.
Mais au-delà des agressions sexuelles, l’ANSM, rapporte d’autres conséquences cliniques observées chez les victimes : « chutes et traumatismes divers, accidents de la voie publique, trouble de l’usage de substances et troubles du comportement alimentaire, grossesses non désirées. Mais aussi… un retentissement psychologique important (angoisse du “black-out” avec ruminations anxieuses, réactions phobiques, hypervigilance, tentatives de suicide et scarifications) et jusqu’au décès ».
Quelles sont les substances incriminées ?
« Les médicaments psychoactifs restent majoritairement impliqués, utilisés notamment pour leurs propriétés sédatives. Tramadol et zopiclone sont en première position suivis par le diazépam, l’alprazolam et la doxylamine. On note cependant une nette progression des substances non médicamenteuses notamment de la MDMA », précise le rapport de l’ANSM.
Les soumissions chimiques vraisemblables ont majoritairement lieu dans un contexte privé. Les auteurs sont souvent connus des victimes. Chez les enfants de moins de 15 ans, les agresseurs sont des proches dans 6 cas sur 15.
Sensibiliser les soignants
Caroline Darian a fondé le collectif « M’endors pas » afin de sensibiliser sur la soumission chimique dans la sphère privée et a lancé une campagne du même nom en mai dernier. Elle est la fille d’un homme qui sera jugé en mars 2024 pour avoir drogué sa femme durant 10 ans et l’avoir livrée aux viols d’une cinquantaine d’hommes. « Ni les médecins traitants ni les spécialistes ne sont familiers des conséquences de la soumission chimique sur leurs patients. La campagne ‘M’endors pas’ vise à les sensibiliser afin que, confrontés à des symptômes inexplicables, ils soient en mesure d’évoquer ce diagnostic faisant ainsi gagner un temps précieux à leurs patients », explique sur le site Internet du collectif Ghada Hatem-Gantzer, docteure et fondatrice de la Maison des Femmes de Seine-Saint-Denis.
Quels signes doivent alerter ?
Les symptômes, très divers, qui doivent alerter les soignants et/ou l’entourage sont :
- amnésie
- somnolences
- troubles du comportement
- troubles comatique divers
- troubles du sommeil
- troubles de la mémoire
- troubles neurologiques divers
- perte de poids
- accident sur la voie publique
- syndrome de sevrage…
Depuis 2018, la soumission chimique est une circonstance aggravante du viol. « Le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende », est-il inscrit dans l’Article 222-30-1 du Code pénal.
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Source : ANSM, soumission chimique, résultats de l’enquête 2021 – mendorspas.org – C’est à Vous, France 5, émission du 20 novembre 2023
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet