Alcoolisme : rigueur sur ordonnance

31 mars 2014

Depuis le 13 mars dernier, le baclofène® bénéficie d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) dans le sevrage alcoolique. Cette décision de l’ANSM définit un cadre aux médecins et aux psychiatres pour prescrire cette molécule aux patients alcoolo-dépendants.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a octroyé  une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) au baclofène®. L’enjeu : diminuer les risques de mésusage liés aux prescriptions hors AMM de ce myorelaxant. Des prescriptions de plus en plus fréquentes, puisqu’elles concernaient « plusieurs dizaines de milliers de patients français dans le traitement de leur alcoolo-dépendance », selon l’ANSM.

Profil de toxicité

Encore peu connus sur le long terme, les effets indésirables de ce médicament suscitent de vifs débats. D’autant plus que les patients ne seraient pas tous égaux face au traitement. « Nous constatons que certains parviennent effectivement à maîtriser leur consommation d’alcool grâce au baclofène® », explique Jean-Michel Delile, psychiatre et vice-président de la Fédération Addiction. « Mais à terme, il reste très difficile de mesurer la gravité des effets secondaires et la fréquence des interruptions prématurées de traitement ».

Deux essais cliniques (Bacloville et Alpadir) sont en cours pour évaluer le rapport bénéfice-risque de cette molécule dans le sevrage alcoolique. Mais d’ores et déjà, la Fédération Addiction appelle à « poursuivre la formation des spécialistes sur le dosage de ce médicament à marge thérapeutique étroite. Et à développer un réseau de médecins référents habilités à prescrire le baclofène®.»

Quelle posologie ?

En répertoriant pour chaque patient la posologie et les effets indésirables liées à la prise de baclofène®, la RTU doit permettre d’avoir plus de visibilité sur son efficacité et sur son innocuité. L’ANSM rappelle que « la posologie quotidienne initiale devra débuter à 15 mg par jour avant une augmentation très progressive (+5 mg par jour, puis +10 mg par jour) par paliers de 2-3 jours, jusqu’à obtention d’une éventuelle réponse clinique ».

« A partir de 120 mg/jour, un deuxième avis émis par un collègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance doit être sollicité par le médecin. Pour toute posologie supérieure à 180 mg/j, un avis collégial au sein d’un CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est requis ».

Une fois les premiers signes de sevrage observés, une diminution de posologie devra être envisagée et régulièrement réévaluée. Chez les patients pour lesquels aucun bénéfice n’est observé, « le traitement devra être arrêté de manière progressive ». Rappelons que le baclofène® constitue aujourd’hui un traitement de troisième intention, « après échec des autres traitements disponibles », rappelle l’ANSM. « Et les patients alcoolo-dépendants (…) devront bénéficier d’une prise en charge psycho-sociale, nécessaire dans cette pathologie multifactorielle.

  • Source : Interview du Dr Jean-Michel Delile, psychiatre et vice-président de la Fédération Addiction – 19 mars 2014

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : David Picot

Aller à la barre d’outils