Après le télétravail, comment gérer le retour au bureau ?

09 juin 2021

Si le télétravail reste privilégié, il ne sera plus la norme à partir du 9 juin. Il appartiendra alors à chaque entreprise de définir les conditions d’un retour progressif dans les bureaux. Dans un contexte toujours anxiogène, comment faire pour que ce nouveau changement se passe au mieux ? Les conseils de Valentina Urreiztieta, psychologue clinicienne du travail au cabinet Empreinte humaine.

Sortir de chez soi, retrouver ses collègues autour de la machine à café… La majorité des Français – 7 sur 10 selon un sondage récent du cabinet Empreinte humaine – ont envie de retourner au bureau. Pour autant, ce retour – progressif et sans doute durablement partiel – en présentiel expose à plusieurs difficultés. Notamment pour les nombreux salariés déjà en détresse psychologique.

Selon un autre sondage mené par le cabinet Empreinte humaine*, 44% des salariés se déclarent en détresse psychologique. Ils sont par ailleurs 36% à souffrir de dépression, dont 21% de dépression sévère. « Ces chiffres nous préoccupent en tant que psychologues », souligne Valentina Urreiztieta. D’autant que la souffrance au travail a explosé cette année, avec 2 millions de salariés en burn out, ce qui représente le double de l’année précédente.

Alors, même si ce retour du travail sur site est globalement accueilli comme positif pour la majorité, cela reste « une épreuve à surmonter ». C’est pourquoi « les entreprises doivent prendre conscience de la nécessité d’accompagner ce retour au bureau », recommande vivement la psychologue.

Accompagner les salariés

« Nous recommandons aux managers d’accueillir chaque salarié lors d’un entretien individuel, dans un espace d’écoute sécuritaire », explique Valentina Urreiztieta. De manière à « recueillir les préoccupations de chacun et chacune ». Celles-ci sont multiples : « le bruit dans l’open space, les difficultés de concentration, ne pas réussir à produire la même quantité de travail… » Des échanges collectifs sont aussi conseillés afin de « déterminer comment on projette les nouveaux modes de fonctionnement au travail ».

Il est également essentiel de gérer les tensions et les conflits qui se sont développés durant cette année. « Les entreprises doivent prendre conscience que la détresse psychologique se manifeste par une perte de capital psychologique pour faire face aux aléas, aux changements, aux problématiques », décrit-elle. « On est davantage à fleur de peau, dans la lassitude et la fatigue. » Autant d’éléments à prendre en compte dans le processus de réadaptation vers un nouveau paradigme du travail. Car « le retour total en présentiel est un mythe. Nous allons clairement vers un mode de travail hybride, avec un partie du temps en télétravail ».

Pour bénéficier du meilleur des deux mondes – présentiel et distanciel -, « il faut savoir exploiter les moments au bureau de manière positive », conseille-t-elle encore. Ainsi, « les pauses café et autres moments informels doivent être considérés comme aussi importants que le travail en lui-même car ils permettent de rétablir l’esprit d’équipe, la confiance ». Le niveau de productivité ne sera donc logiquement pas le même au bureau qu’à la maison. Pas d’inquiétude, « c’est normal », assure Valentina Urreiztieta. Laquelle conseille de « privilégier les moments au bureau pour les échanges en collectif et d’utiliser le télétravail pour les moments de concentration individuelle ».

Quels risques si rien n’est fait ?

En l’absence d’accompagnement de ce retour au bureau – même partiel – « les entreprises s’exposent à des taux d’absentéisme et de turn over élevés », analyse-t-elle. D’autant que la santé mentale des salariés est déjà fragilisée. A noter qu’en cas de remontée d’indicateurs de risques psychosociaux dans un même groupe comme des signalements de harcèlement, des arrêts maladies multiples…, celui-ci s’expose à un risque contentieux puisque l’employeur est responsable de la sécurité et du bien-être au travail de ses salariés.

*entre le 30 avril et le 10 mai auprès de 2009 salariés français

  • Source : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Ecrit par : interview de Valentina Urreiztieta, psychologue clinicienne du travail, responsable du pôle primaire et secondaire de prévention des risques psychosociaux à Empreinte humaine, 8 juin 2021

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