Bien gérer les substituts nicotiniques, pour mettre toutes les chances de son côté !
27 novembre 2023
Plus de 9 fumeurs sur 10 ne bénéficient pas d'un apport en nicotine, via les substituts nicotiniques, adapté à leurs besoins pour arrêter le tabac. Rien d'étonnant à ce qu'il y ait autant d'échecs de sevrage. Alors que les experts de la Société Francophone de Tabacologie demandent une révision des notices de ces produits pour améliorer la situation, le Pr Daniel Thomas, cardiologue et porte-parole de la Société française de tabacologie, donne les clés pour optimiser le sevrage tabagique.
Quels messages adressez-vous à un fumeur qui entreprend un sevrage tabagique ?
Mon premier message est que les substituts nicotiniques constituent le traitement de première intention pour le sevrage tabagique, en toute confiance. Le deuxième message est qu’il faut être accompagné par son médecin.
Le troisième message est fondamental : la dose de nicotine via les substituts nicotiniques doit correspondre à votre dépendance. C’est celle qui permet l’absence de symptômes de sevrage et ôte l’envie de fumer. Il n’y a pas de limitation ; l’essentiel est que vous ayez la dose qui vous permette de ne pas fumer et de reprendre le contrôle sur la dépendance à la nicotine.
Sur quelle durée faut-il utiliser les substituts nicotiniques ?
Le temps nécessaire pour que la dose – progressivement dégressive – permette aux fumeurs de ne plus ressentir l’envie de fumer sur le long terme et donc parvienne au sevrage. Cela peut être assez long, parfois de nombreux mois. Le temps que votre corps se déshabitue du tabac et que le cerveau se désensibilise au fil de ces dosages qui diminuent petit à petit. En général, les patchs sont rarement conservés au-delà de 6 mois, mais cela peut arriver. En revanche, les formes d’absorption buccale, telles que les pastilles et les gommes de nicotine, peuvent être utilisées de manière beaucoup plus prolongée. Certains fumeurs se trouvent même obligés d’en utiliser sur le long terme afin d’éviter le risque de rechute. La durée d’utilisation des substituts nicotiniques n’est pas définie, contrairement à ce que vous pourrez entendre parfois de la part de votre pharmacien.
La majorité des échecs de sevrage tabagique sous substituts nicotiniques est-elle due à un sous-dosage ?
Oui, et ce constat est unanime parmi la communauté des tabacologues. La plupart des patients en sevrage tabagique sont sous-dosés en nicotine et donc, sans surprise, la plupart d’entre eux échoue à se sevrer. Il est désormais démontré que l’utilisation de la substitution nicotinique à une posologie efficace, avec si nécessaire plusieurs patchs et sur une durée suffisamment longue adaptée à chaque fumeur, permet de limiter le risque de reprise du tabac et d’améliorer le taux d’arrêt à 12 mois.
On entend souvent l’équation suivante en matière de dosage des substituts nicotiniques : 1 cigarette = 1 mg de nicotine. Que vaut-elle ?
Si l’équivalence – 1 cigarette = 1 mg de nicotine – constitue une bonne base de départ, elle sous-estime généralement la dose nécessaire. Un fumeur absorbe en moyenne 1 à 2 mg de nicotine par cigarette, mais certains fumeurs de 10 cigarettes par jour peuvent absorber autant de nicotine que de très gros fumeurs. Afin d’ajuster au mieux les besoins, les substituts nicotiniques à absorption buccale (gommes, pastilles, comprimés de nicotine) doivent être prescrits de façon systématique avec les patchs. Cela permet au fumeur d’ajuster lui-même la dose de nicotine. Lorsqu’il constate qu’ils sont consommés en grande quantité, en sus d’un patch de 21 mg, il est logique alors d’associer plusieurs patchs pour assurer l’essentiel des besoins en nicotine. Les formes à absorption buccale restent toujours à disposition, utilisées en complément par le fumeur, pour ajuster encore si besoin la dose journalière et/ou parer une envie ponctuelle de fumer.
Pourquoi avoir rédigé un article scientifique plaidant pour la révision des règles encadrant la prescription et la dispensation des substituts nicotiniques ?
Pour que tous les conseils que je viens de vous expliquer soient mentionnés sur la notice et principalement la nécessité d’ajuster la dose en fonction des besoins réels individuels en nicotine, avec si besoin l’association de plusieurs patchs pour atteindre la dose journalière nécessaire (sans obligatoirement se limiter à un patch unique de 21 mg/j). Cette nécessité d’adaptation est une règle qui était déjà inscrite dans les recommandations de la HAS sur le sevrage tabagique de 2014 !
La peur du surdosage est très forte parmi les candidats au sevrage et même parmi les médecins et les pharmaciens. Quelle est sa réalité ?
Le risque de surdosage en nicotine, qui préoccupe le fumeur, est trop souvent associé à tort au cancer ou à l’infarctus du myocarde, alors que la nicotine n’intervient aucunement dans ces complications du tabagisme. Son unique rôle étant de maintenir le fumeur dans une forte dépendance. Si l’idée de surdosage est abordée de manière alarmante par le médecin ou le pharmacien, le fumeur peut être inutilement inquiété et ne pas suivre les prescriptions de son tabacologue. De plus, le fumeur entend encore trop souvent que la prescription et/ou la délivrance des substituts nicotiniques seraient assujetties à l’injonction de “ne pas fumer sous patch(s)”. D’une part, il est démontré qu’il n’y a pas de risque à utiliser un patch tout en continuant de fumer et, d’autre part, continuer à fumer des cigarettes sous substituts nicotiniques prouve justement que la personne est en sous-dosage nicotinique. Au lieu de faire retirer le patch, il faut ajuster la substitution ! En observant toutes ces règles, bien plus de fumeurs parviendraient au sevrage qu’actuellement.
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Source : D’après une interview du Pr Daniel Thomas cardiologue et porte-parole de la Société Francophone de Tabacologie - Galera O, Lajzerowicz N, Meier C, Perriot J, Thomas D, Touzeau D, Le Faou AL Aide à l’arrêt du tabac. Les experts de la SFT recommandent l’évolution des AMM des traitements de substitution nicotinique*. Le Courrier des Addictions Vol. XXV - n° 3 - juillet-août-septembre 2023
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Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet