Aliments ultra-transformés : aussi addictifs que la nicotine et l’alcool ?

16 octobre 2023

14 % des adultes et 12 % des enfants seraient dépendants aux aliments ultra-transformés selon une étude. Ses auteurs plaident pour reconsidérer ces produits comme des substances addictives.

Diabète, hypertension, cancers, maladie de Crohn, symptômes dépressifs… Les effets négatifs des aliments ultra-transformés sont de plus en plus documentés. Une récente étude, publiée dans le British medical journal, s’est penchée sur le potentiel addictif de ces aliments. Pour rappel, les aliments ultra-transformés sont fabriqués selon des procédés industriels, à partir d’aliments naturels ou peu transformés auxquels sont ajoutés des produits industriels et des additifs comme des émulsifiants, exhausteurs de goût ou encore antioxydants.

Un tiers de nos apports caloriques journaliers

Si l’addiction à la nourriture n’est pas répertoriée dans le DSM-5 (manuel de références sur les maladies mentales, ndlr), l’échelle de la dépendance alimentaire de Yale (YFAS) a été mise au point pour évaluer la dépendance à la nourriture, selon les critères de de dépendance aux substances du DSM-5.

Les chercheurs ont passé en revue 281 études réalisées dans 36 pays différents s’appuyant sur l’YFAS. Selon leurs résultats, 14 % des adultes et 12 % des enfants sont dépendants aux aliments ultra-transformés. « Cette prévalence rapportée est similaire aux niveaux de dépendance observés pour d’autres substances chez les adultes (par exemple, 14 % pour l’alcool et 18 % pour le tabac), mais le niveau de dépendance implicite chez les enfants est sans précédent », notent les chercheurs. Des chiffres vertigineux alors que, selon l’Inserm, les aliments ultra-transformés constituent en moyenne près d’un tiers de nos apports caloriques journaliers.

Des aliments riches en glucides et en graisses

L’YFAS nécessite de renseigner sa consommation d’aliments contenant des niveaux élevés de glucides raffinés ou de graisses ajoutés, dont les produits ultra-transformés sont les principaux fournisseurs. Ainsi, selon l’étude, « ces types d’aliments sont les plus fortement impliqués dans les indicateurs comportementaux de dépendance, comme la consommation excessive, la perte de contrôle de la consommation, des envies intenses et une consommation continue malgré les conséquences négatives ». Ils sont aussi associés « à des mécanismes fondamentaux de la dépendance, comme le dysfonctionnement neuronal lié à la récompense, l’impulsivité et la dérégulation des émotions, ainsi qu’une moins bonne santé physique et mentale et une qualité de vie inférieure ».

Et sur le plan physiologique : « les glucides ou les graisses raffinés évoquent des niveaux de dopamine extracellulaire dans le striatum cérébral similaires à ceux observés avec des substances addictives telles que la nicotine et l’alcool ». Alors que les produits naturels ou peu transformés contiennent des glucides ou des graisses, les produits ultra-transformés eux, contiennent les deux. Ils « semblent avoir un effet supra-additif sur les systèmes de récompense cérébrale, supérieur à l’un ou l’autre des macronutriments seuls, ce qui peut augmenter le potentiel de dépendance de ces aliments ».

Pour de nouvelles politiques de santé publique

Autre argument en leur défaveur, mis en avant par les chercheurs : les glucides et graisses contenus dans les aliments ultra-transformés, sont, du fait des procédés industriels utilisés, plus rapides à assimiler que dans d’autres aliments. « Ainsi, la capacité des UPF (acronyme anglais de Ultra-processed food, ndlr)à délivrer rapidement des substances gratifiantes biodisponibles peut contribuer à leur potentiel de dépendance accrue », note les chercheurs. Les additifs sont également soupçonnés d’être en cause : « de nombreux UPF contiennent des additifs aromatiques qui augmentent les goûts sucrés et salés, ainsi que des texturants qui améliorent la sensation en bouche ».

« Il existe un soutien convergent et cohérent en faveur de la validité et de la pertinence clinique de la dépendance alimentaire », déclare dans un communiqué Ashley Gearhardt, autrice de l’article et professeur de psychologie à l’Université du Michigan. « En reconnaissant que certains types d’aliments transformés ont les propriétés de substances addictives, nous pourrons peut-être contribuer à améliorer la santé mondiale ». Les auteurs de l’étude estiment que prendre en compte l’effet de dépendance dont seraient responsables ces aliments pourraient mener à « de nouvelles approches dans les domaines de la justice sociale, des soins cliniques et des politiques publiques ».

A noter : les produits ultra-transformés sont associés à un surrisque de troubles métaboliques. Selon l’Inserm, la composition du microbiote « serait affectée par une consommation importante de ce type d’aliments, avec des répercussions délétères sur de nombreuses fonctions de notre organisme (digestion, métabolisme, immunité…) dans lesquelles les micro-organismes qui peuplent notre tube digestif sont impliqués ». L’Institut conseille de réduire la consommation de ces produits et de privilégier le fait-maison.

  • Source : sanjagrujic / shutterstock.com

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Vincent Roche

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