Chez l’enfant, la myopie n’est pas une fatalité

22 novembre 2023

La myopie, dont la prévalence est galopante chez les enfants, peut être freinée et corrigée. Deux conditions à cela : la repérer tôt et mettre en place des mesures correctrices tout en changeant quelques mauvaises habitudes. Un sondage Ipsos réalisé à l’occasion de la 1ère « Semaine nationale de la myopie », (20 - 26 novembre 2023) nous apprend que sur tous ces points, la marge de progression chez les parents est importante.  

La myopie est une véritable préoccupation, surtout chez les enfants. Ce trouble de la réfraction se traduit par une vision nette de près mais floue de loin. Il est lié à un défaut de convergence de l’image au niveau de la rétine, du fait d’un globe oculaire trop « long », passant de la forme d’un ballon de football à celle d’un ballon de rugby.

« L’épidémie de myopie chez l’enfant et le jeune adulte se caractérise par une apparition de plus en plus précoce de la maladie, une progression plus significative, mais également une prévalence accrue de myopies fortes », indique le Pr Nicolas Leveziel, chef du service d’ophtalmologie du CHU de Poitiers, qui a publié en 2021 la plus grande étude française sur le sujet.

Afin que tous et en particulier les parents prennent conscience de ce risque de myopie chez leur enfant et adoptent les comportements appropriés en matière de prévention et de gestion pour éviter la progression (« freination » pour être précis), la première Semaine nationale de la myopie vient d’être instaurée par l’Institut d’Éducation Médicale et de Prévention. Les messages diffusés reposent sur les résultats d’un sondage révélant des constats assez éloquents.

Presque 40 % des enfants ont un suivi ophtalmologique tous les 4-5 ans

Déjà, la moitié des Français ignore que la myopie peut être maîtrisée et freinée. De plus, moins de 2 sur 10 sont au courant de l’existence de solutions visant à ralentir la progression de la myopie chez les enfants. Il n’est donc pas étonnant que le suivi ophtalmologique des enfants instauré par les parents, soit insuffisant : seulement 38 % des parents d’enfants sans problème de vision diagnostiqué les emmènent consulter tous les 4-5 ans ou à une fréquence encore plus espacée.

1 dioptrie en plus, c’est 40 % de risques de complications rétiniennes en plus

Les complications associées à la myopie demeurent largement méconnues : seuls 17 % des Français sont conscients qu’elle peut entraîner des complications, pouvant même conduire à la cécité. À peine 2 personnes sur 5 ont la perception que plus la myopie se manifeste précocement, plus elle présente le risque de s’aggraver.

« Lorsque ce défaut de vision se manifeste précocement chez l’enfant, cela expose ultérieurement à un risque accru de myopie forte, indique Nicolas Leveziel. L’œil fortement myope est alors plus susceptible de développer des complications, telles qu’un risque doublé de cataracte précoce, un glaucome survenant plus tôt (vers l’âge de 40 ans contre 50 ans habituellement), un décollement de la rétine, une atrophie de la membrane de l’œil (la choroïde) et de la rétine, ou encore des complications liées à la formation de “néovaisseaux” (de nouveaux vaisseaux) sous la rétine. Toutes ces complications peuvent conduire à la cécité. »

Un gros travail de prévention en perspective

Toujours selon le sondage, plus d’un parent sur quatre (27%) indique que son enfant consacre en moyenne moins de deux heures par jour à des activités extérieures en semaine. En parallèle, les activités en vision rapprochée, telles que l’utilisation d’écrans et la lecture, atteignent en moyenne 5h29 par jour en semaine chez leurs enfants. Les adolescents âgés de 14 à 17 ans consacrent quant à eux plus de 8 heures par jour à ces activités en semaine.

Seulement 10 % des cas de myopie sont attribuables à des facteurs génétiques, la majorité étant à mettre sur le compte de comportements préjudiciables pour la vision. Afin de protéger le capital visuel de l’enfant, l’adoption de certains comportements est recommandée. L’exposition à la lumière du jour limite l’apparition de la myopie et son évolution, avec une diminution de 2 % du risque de myopie observée pour chaque heure supplémentaire passée à l’extérieur par semaine. Le temps consacré à l’utilisation d’écrans doit être réduit, car le spectre lumineux bleu serait associé à une augmentation de la longueur de l’œil. Dans la mesure du possible, les activités de vision rapprochée doivent être limitées. En cas d’impossibilité, il est recommandé de suivre trois conseils : assurer un éclairage optimal, maintenir une distance d’au moins 30 cm du support (comme un ordinateur) et prendre le temps de porter son regard au loin de manière régulière.

La myopie, ça se freine !

Un enfant sur 5 souffre de myopie en France et, selon la Haute autorité de santé, 510 000 enfants de 6 à 15 ans ont une myopie évolutive. Il existe, néanmoins, des solutions souvent efficaces pour ralentir l’évolution de la myopie chez les enfants et les adolescents, mais qui restent trop peu utilisées. Le Pr Dominique Bremond-Gignac, ophtalmologue à Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris) estime que « moins de 100 000 enfants en France seraient équipés ou traités, soit 5 fois moins que ce qui pourrait être réalisé. »

Parmi ces solutions, l’orthokératologie vise à remodeler la surface de la cornée de l’œil. Des lentilles de contact rigides compriment la cornée pour aplanir son rayon de courbure. Elles sont prescrites en cas de myopies légères à modérées. Le Pr Leveziel estime qu’elles freinent la progression de la myopie d’environ 40 à 50 %.

Pour leur part, les verres correcteurs et les lentilles de contact souples, appelés “défocalisants”, réduisent le besoin d’ajustement (accommodation) de l’œil lors d’un travail de proximité. Les dernières générations de ces verres spéciaux limitent de 60 % l’aggravation d’une myopie progressive légère à modérée. Quant aux collyres à base d’atropine microdosée, ils sont prescrits chez l’enfant dont la myopie est évolutive (à instiller chaque soir dans les yeux). « Une étude très récente a montré qu’ils réduisaient la progression de la myopie d’environ 50 %, rapporte Nicolas Leveziel. Ces collyres stopperaient l’amincissement ou l’étirement de l’enveloppe de l’œil (sclère) et, par conséquent, la croissance oculaire. »

Plus d’informations sur www.ensemblecontrelamyopie.fr

  • Source : Interview du Pr Nicolas Leveziel, chef du service d’ophtalmologie (CHU de Poitier) - « Baromètre de la myopie en France», Etude réalisée en juillet 2023 par Ipsos pour l’Institut d’Éducation Médicale et de Prévention auprès d’un échantillon de 3 500 Français âgés de 18 ans et plus - Dorian Tricard, Nicolas Leveziel, et al. Progression of myopia in children and teenagers: a nationwide longitudinal study. Br J Ophthalmol 2021;0:1–6. doi:10.1136/bjophthalmol-2020-318256

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet

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