De l’oxygène… à la maison !
15 octobre 2015
En 2010, plus de 100 000 patients ont été traités par oxygénothérapie à domicile en France, le plus souvent dans le cadre d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive. ©Phovoir
Depuis les années 50, la prise en charge des maladies respiratoires à domicile a connu un véritable essor. Grâce à la miniaturisation des appareils médicaux, les soins sont prodigués chez les patients. Et non plus à l’hôpital. Un vrai confort de vie, notamment « pour les malades éloignés des centres hospitaliers », explique le Pr Jean-François Muir, chef du service de pneumologie et de l’unité de soins intensifs respiratoires du CHU de Rouen.
Une fois les paramètres vitaux stabilisés, les patients hospitalisés pour une insuffisance respiratoire peuvent rentrer chez eux, tout en bénéficiant d’une assistance à domicile. Un dispositif indispensable pour pallier la diminution des capacités à inspirer et à expirer naturellement. Après 5 jours d’hospitalisation, Marie, 65 ans, diagnostiquée pour une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), est rentrée chez elle.
L’insuffisance respiratoire dont elle souffre est caractérisée par « un rétrécissement du calibre des bronches qui freine le passage de l’air », précisent les spécialistes de l’ADIR-assistance. « Un véritable handicap ». Facteurs de risque principaux ? Une bronchite chronique évoluée, un emphysème (maladie des alvéoles pulmonaires), une dilatation des bronches ou encore un asthme.
L’asthme justement, Marie en souffre aussi depuis son enfance. Cette prédisposition devenue inflammation a été accentuée par une longue exposition au tabagisme passif, au travail comme dans sa vie privée. « Je n’ai jamais allumé une cigarette de ma vie, mais lors d’un examen radiologique un pneumologue me croyait fumeuse active ». C’est dire les dommages des produits toxiques (monoxyde de carbone, particules fines) issus de la combustion des produits du tabac – et de leur inhalation – sur l’appareil respiratoire.
La douleur irradie de la gorge au bassin. A domicile, Marie est sous antibiotiques à forte dose pendant 15 jours. Quatre gélules le matin, une le soir, ce traitement a largement atténué la toux et les crachats purulents, très éprouvants et gênants en public. « Je tousse encore, mais par intermittence. Les douleurs costales et abdominales liées aux violentes crises de toux se sont apaisées », raconte-t-elle. Ainsi cette patiente peut-elle entretenir une dynamique au quotidien. Au programme, du sport !
L’activité physique adaptée est en effet recommandée aux patients souffrant d’insuffisance respiratoire. En favorisant l’ouverture de la cage thoracique, elle améliore la circulation de l’oxygène. Autre bienfait, un coup de boost au moral. Avec deux entraînements de marche nordique et de gymnastique douce par semaine, Marie en a bien conscience. « Il faut se dépenser », confirme-t-elle. « Mais aussi réguler son effort », ajoute-t-elle. Le manque d’oxygène lié à l’insuffisance respiratoire se traduit en effet par une fonte de la masse musculaire. Et donc une diminution de la force.
©ADIR-assistance
Quelles conditions pour un bon retour à domicile ? Chez elle, Marie utilise un appareil à oxygène liquide pour respirer. Sorte de « petit meuble sur roulettes pesant de 14 à 25 kg environ, il peut être utilisé 24h/24 », précise la Haute autorité de Santé (HAS). Lorsqu’ils bénéficient d’une prise en charge à domicile, les patients sont sous assistance respiratoire journalière : ce traitement quotidien peut durer de 6h à 24h. Marie, elle, y est branchée en permanence. « Un vrai plus pour le confort de vie, mais aussi un défi face à la perte d’autonomie », explique-t-elle. « Chez moi, 15 mètres de fil relient mon appareil respiratoire à la citerne remplie d’oxygène ». Elle est à changer deux fois par jour.
« Quand je sors me promener ou faire du sport, j’utilise un concentrateur respiratoire portatif, sur mon dos ou sur l’épaule. Ce dispositif respiratoire a une autonomie en oxygène de 2h30 – utile pour se déplacer en toute liberté – et pèse 3kg. « Un poids dérisoire comparé aux anciens dispositifs, mais qui devient de plus en plus lourd au fil des déplacements de la journée ».
Reste que dans les gestes du quotidien, Marie tient à garder le plus d’indépendance possible. « Je n’ai pas d’aide à domicile pour la cuisine ou le ménage », précise-t-elle. En revanche le suivi médical est rigoureux. « Lors de mes premiers jours à la maison, un pneumologue se déplaçait régulièrement. Maintenant, le kinésithérapeute m’aide à dégager les bronches par des exercices sollicitant la toux. Une infirmière vient chaque jour pour changer la poche d’oxygène et vérifier que l’appareil ne présente aucun dysfonctionnement ».
Vous êtes atteint d’une insuffisance respiratoire ? Pour faire la demande d’une hospitalisation à domicile (HAD), parlez-en à votre médecin traitant qui vous dirigera vers un spécialiste. Si le processus est déjà lancé, cliquez ici pour accéder à la demande d’admission. Si vous bénéficiez déjà d’une HAD, sachez que votre médecin traitant reste le premier professionnel à contacter en cas de besoin. Même si l’insuffisance respiratoire est bien encadrée, l’organisme reste fragile. Vous êtes ainsi davantage exposés aux risques « de conjonctivite ou d’irritation des yeux, de troubles cutanés, de rhinite, de sécheresse buccale, d’un dessèchement des muqueuses nasales, ou d’une trop grande arrivée d’air gênant l’expiration ».
Enfin, des troubles plus graves sont le signe d’une atteinte des fonctions respiratoire et cardiaque. Consultez donc au plus vite votre médecin généraliste si vous éprouvez une augmentation de votre gêne respiratoire (dyspnée) aux efforts dans la vie courante ou même au repos, un encombrement bronchique. Autres symptômes à ne pas négliger, un mal de tête (céphalées) inhabituel au réveil ou dans la journée, pouvant s’accompagner de sudation, de nausées, d’une fièvre persistante, de tachycardie ou d’arythmie. Derniers signes d’alerte, le gonflement des chevilles (œdèmes) et une prise ou une perte de poids rapide.
Trois questions au Pr Jean-François Muir, chef du service de pneumologie et de l’unité de soins intensifs respiratoires du CHU de Rouen.
Les patients bénéficiant de l’assistance respiratoire à domicile vivent-ils mieux, et plus longtemps ?
A ce jour, les travaux publiés se contredisent. Certains prouvent un gain sur l’état de santé grâce à la respiration à domicile. D’autres ne démontrent aucune amélioration de la qualité de vie et du pronostic vital. Mais une chose est certaine, cette solution présente de réels bénéfices pour les malades âgés et/ou dépendants par rapport à l’hospitalisation. Avant le développement de ce dispositif, ces patients décédaient 2 à 3 années après le diagnostic. Contre 10 ans en moyenne aujourd’hui pour certains patients.
En quoi consiste la téléobservance, mise en place pour de nombreux patients bénéficiant de l’assistance respiratoire à domicile ?
En plein développement depuis 10 ans, le télésuivi est un outil de médecine préventive. Il consiste à recueillir à distance des paramètres provenant du patient, mais aussi du couple patient-machine. Le malade réalise lui-même, de chez lui, une mesure de sa saturation en oxygène et un électrocardiogramme ou une prise de tension artérielle. Il transmet ses résultats, via le téléphone ou le web, à un centre médical d’appels. Ces systèmes de surveillance embarqués (paramètres physiologiques : fréquence cardiaque…) repèrent la moindre défaillance technique des appareils. En plus de limiter le nombre de consultations physiques, et donc de générer des économies, le télésuivi permet aussi de surveiller l’observance médicamenteuse. Et facilite le suivi des patients isolés.
Mais ce suivi à distance n’empêche pas les consultations régulières chez le pneumologue ?
Non, les déplacements chez le médecin restent intégrés dans la prise en charge. Simplement, le télésuivi facilite la surveillance au long cours. Un atout de poids, car les patients insuffisants respiratoires sont fortement exposés à des troubles chroniques comme une défaillance du rythme cardiaque ou une mauvaise régulation de la glycémie. Notamment chez les patients obèses, sujets au syndrome d’apnées du sommeil.
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Source : Interview du Pr Jean-François Muir, chef du service de pneumologie et de l’unité de soins intensifs respiratoires du CHU de Rouen, et président de l’Association nationale de traitement à domicile de l’insuffisance respiratoire (Antadir).
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Ecrit par : Laura Bourgault : Edité par : Emmanuel Ducreuzet