Décès de Laurent Tirard : qu’est-ce que la maladie greffon contre hôte ?
06 septembre 2024
Le réalisateur, décédé jeudi 5 septembre, avait été diagnostiqué d’un lymphome en 2012. Huit ans plus tard, il confiait avoir souffert de la maladie greffon contre hôte (GVHD) après une greffe de moelle osseuse. Qu’elle est cette complication qui survient dans 20 à 50 % des cas ?
Le réalisateur Laurent Tirard est mort jeudi 5 septembre à Paris. A 57 ans, le réalisateur du Petit Nicolas s’est éteint « après avoir mené avec un immense courage, un long combat face à la maladie ». Il avait confié en 2020 au fonds de dotation contre les complications des greffes de moelle osseuse HTC Project avoir été diagnostiqué d’un lymphome – une tumeur maligne du système lymphatique – en 2012. « Jusqu’à ce coup de téléphone de l’Hôpital Saint-Louis, le 31 décembre 2012, m’annonçant les résultats d’une biopsie que je venais de faire, je crois que je n’avais jamais entendu le mot Lymphome », expliquait-il alors. Après deux chimiothérapies sans succès, il avait bénéficié d’une greffe de moelle osseuse, sa sœur et lui étant génétiquement compatibles. « Mais les choses se sont compliquées. »
GVHD, la principale complication de la greffe de moelle osseuse
Laurent Tirard a souffert de la maladie greffon contre hôte également appelée GVH ou GVHD pour Graft versus host desease. Selon l’Inserm, « la maladie du greffon contre l’hôte est une complication grave, parfois mortelle, d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques (ou greffe de moelle osseuse) », effectuée pour traiter les leucémies ou les lymphomes. « Elle survient lorsque les cellules du donneur présentent une incompatibilité immunologique avec celles du receveur, et voient dans ces dernières des cellules étrangères. Les lymphocytes T du donneur, dits ‘alloréactifs’, vont alors détruire les cellules et tissus sains de l’hôte. » Le phénomène se produit chez 20 à 50 % des patients greffés, rapidement après l’intervention ou plus tardivement. « La GvHD m’a attaqué la peau, les poumons, le foie, les intestins… J’ai passé les pires moments de ma vie dans cette chambre stérile. Ce n’est qu’au bout de quatre mois que j’en suis ressorti, après avoir perdu vingt kilos, et pouvant à peine marcher », témoignait Laurent Tirard.
La moelle osseuse est un tissu contenu dans tous les os du corps, où sont fabriquées les cellules souches hématopoïétiques, à l’origine des cellules du sang : globules rouges, globules blancs et plaquettes. La greffe de moelle osseuse consiste à remplacer les cellules souches hématopoïétiques déficientes du patient par des cellules saines. Elle est indiquée dans le traitement de certains cancers hématopoïétiques, lors d’un premier traitement si le risque de récidive est élevé ou lors d’une rechute. La greffe de moelle osseuse concerne en moyenne 24 000 patients par an en Europe et 2 000 en France.
La gravité dépend du nombre d’organes touchés
La GVHD est la principale complication. « Dans sa forme aiguë, elle survient dans les trois mois après la greffe et affecte la peau, le foie et le tube digestif ; elle est dite chronique lorsqu’elle survient plus tard, et peut alors toucher tous les organes, avec une prédilection pour les muqueuses. Sa gravité dépend du nombre d’organes touchés et de la sévérité des atteintes », explique le Dr. Aliénor Xhaard, hématologue, à la Fondation-Arc. « Deux fois sur trois, la réaction n’est pas grave et peut être traitée avec des corticoïdes ; mais une fois sur trois, il faut renforcer les traitements immunosuppresseurs, ce qui augmente le risque de décéder d’une infection opportuniste ».
Parfois, cette réaction est précieuse : lorsqu’elle détruit les cellules cancéreuses. « On parle alors de réaction du greffon contre la maladie (ou GVL pour Graft versus Leukemia) », explique la spécialiste. « L’enjeu est donc d’optimiser l’effet GVL tout en minimisant l’effet GVHD ».
De nombreuses études sont en cours pour développer des stratégies immunosuppressives et réduire l’activité des lymphocytes T alloréactives.
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Source : Fondation Arc, Inserm, HTC Project
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet