Des bactéries sexuellement transmissibles entrent en résistance

06 janvier 2016

Les bactéries résistantes aux antibiotiques sont de plus en plus nombreuses dans le monde. Et celles à l’origine d’infections sexuellement transmissibles (IST) ne sont pas en reste. Pour preuve, l’exemple des gonocoques. Très récemment, les autorités sanitaires britanniques ont été alertées par une flambée de cas résistants à un antibiotique utilisé dans la première ligne de traitement. L’occasion de faire un point sur la situation avec le Dr Béatrice Berçot (centre national de référence du gonocoque, laboratoire associé, Service de Bactériologie de l’hôpital Lariboisière AP-HP).

Le Nord de l’Angleterre est actuellement victime d’une curieuse épidémie. Aux dernières nouvelles, 15 cas d’infections à gonocoques hautement résistants à l’azithromycine, un traitement largement utilisé pour traiter les IST. Déjà évoqué en novembre 2015 dans un article publié dans la revue Sexually Transmitted Infections, cette flambée s’est propagée depuis Leeds et concerne maintenant des patients des villes de Macclesfield, Oldham et Scunthorpe.

« Une situation préoccupante », explique le Dr Berçot. « Car les scientifiques britanniques doivent rechercher et trouver d’où vient cette souche afin d’en arrêter la propagation. » Certains patients sont porteurs asymptomatiques du gonocoque, ce qui rend plus difficile l’endiguement de la flambée.

Coït, fellation, sexe anal… un préservatif à chaque fois !

Globalement, les infections à Neisseria gonorrhoeae, résistantes ou non, sont en augmentation depuis plusieurs années. Entre 2005 et 2008, elles ont augmenté de 21% dans le monde, passant de 87 millions d’adultes infectés à 106 millions. « Les gens ne se protègent pas systématiquement lors de leurs rapports sexuels, et en particulier lors des rapports oraux génitaux », explique Béatrice Berçot. Or, « l’un des réservoirs mésestimés des gonocoques se situe dans la gorge… »

« La situation sur le front des résistances n’est pas encore aussi alarmante que celle des entérobactéries multirésistantes », rassure le Dr Berçot. « Aucune souche n’est encore résistante à tous les traitements dont nous disposons », poursuit-elle. Pour autant, les gonocoques ont acquis des résistances à la pénicilline, à la tétracycline, aux quinolones et maintenant aux céphalosporines, le traitement de première ligne prescrit en association à l’azithromycine. « Et si rien n’est fait, cette état de fait pourrait encore évoluer. » D’autant que des souches résistantes ont déjà été observées partout dans le monde.

Pour enrayer cette dynamique, « il faut tout d’abord éviter la propagation des souches, quelles qu’elles soient », souligne le médecin. Ce qui signifie que « les individus doivent se protéger en utilisant systématiquement des préservatifs lors de tout rapport sexuel, même oro-génital et anal. » D’autre part, « l’idéal serait que les médecins puissent réaliser des tests rapides (dont les résultats sont obtenus en une ou deux heures) pour diagnostiquer la présence du gonocoque et ne traiter que les personnes détectées. » Cette méthode réduirait la pression de sélection antibiotique et le risque de mutation des bactéries, devenant alors résistantes aux molécules censées les combattre.

Que se passerait-il si une souche de gonocoque devenait résistante à tout traitement ?

« Contrairement aux infections à méningocoques, dues à la bactérie Neisseira meningitidis, les infections à gonocoques ne sont que très rarement mortelles », insiste le Dr Berçot. Néanmoins, « ces souches n’ont rien à faire dans l’organisme en temps normal, elles ne font pas partie de la flore de l’être humain. Et si elles devaient y rester de manière chronique, cela aurait des conséquences graves. » Chez un homme, « la douleur provoquée par l’urétrite ou gonorrhée, serait insupportable, équivalente à celle d’une infection urinaire permanente ». Chez les femmes, « des infections de proximité peuvent se développer comme une cervicite, une salpingite ou une péritonite avec des risques d’infertilité ». Puis après, « des disséminations de la bactérie dans le sang ne peuvent être écartées et de rares cas d’endocardites ont déjà été objectivés ».

  • Source : interview du Dr Béatrice Berçot, maître de conférence universitaire et Praticien Hospitalier à l’hôpital Lariboisière, Service de Bactériologie, Laboratoire associé au CNR des gonocoques, 5 janvier 2015 - Chisholm SA, et al. Sex Transm Infect 2015;0:1–3. doi:10.1136/sextrans-2015-052312

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils