Deux ans après Fukushima, la forêt contaminée ‘à vie’?
08 mars 2013
A peu près 75% des territoires les plus contaminés autour de Fukushima sont recouverts par la forêt. ©BONZOM/IRSN
Il y a deux ans, le 11 mars 2011, un tremblement de terre secouait le Japon, provoquant un des accidents nucléaires les plus graves : celui de la centrale de Fukushima-Daichi. L’impact sanitaire et environnemental se fait encore sentir aujourd’hui dans cette région. Le point avec Jean-Christophe Gariel, directeur « environnement » à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN).
« A l’heure actuelle, nous pouvons répartir en trois grandes zones la région autour de la centrale », explique Jean-Christophe Gariel. « Sur un périmètre de 20km autour du site, l’espace est quasiment en totalité dépeuplé. Ensuite, un peu plus loin, dans un lobe qui s’oriente vers le Nord-Ouest, certaines zones ont également été évacuées. Mais au-delà, même si la contamination est toujours présente, certains endroits restent habités. D’ailleurs, des opérations de décontamination y sont régulièrement menés depuis un an. »
Dans les zones habitées, « la population cultive des denrées alimentaires soumises à de nombreux contrôles. Actuellement, le taux de contamination de la majorité– 99,7% du riz produit dans cette région – se situent en-dessous de 100 becquerels par kilogramme (bq/kg), inférieur au seuil d’interdiction de commercialisation », indique-t-il. Le véritable problème subsiste pour « toutes les denrées issues du milieu naturel, non cultivées, notamment de la forêt. Par exemple, les champignons présentent un niveau de contamination loin d’être négligeable. » D’ailleurs, l’IRSN, associée à des universités japonaises, vont débuter, dans une dizaine de jours, une étude sur le cycle du césium 137 en forêt. Une observation d’autant plus importante que 75% des territoires les plus contaminés autour de la centrale sont recouverts par la forêt.
Un cycle infernal
« Le problème est que le césium 137 se recycle. Déposé sur la canopée lors de l’accident, il pénètre les feuilles qui tombent sur la litière. Elles se dégradent et sont ensuite absorbées par le sol, tout comme le césium 137 qu’elles contiennent. « Repompé » par les racines de l’arbre, l’élément radioactif n’est jamais évacué. Il reste dans un cycle fermé », détaille Jean-Christophe Gariel. La question est donc de déterminer comment traiter cette forêt contaminée…
« Une des solutions extrêmes que j’ai pu entendre est de couper tous les arbres de la forêt », poursuit-il. Un choix drastique. « D’un point de vue écologique, ce serait grave. Surtout quand on connait les pluies qui s’abattent au Japon, les problèmes de ruissellement et d’érosion induits. De plus, cela entraînerait un déséquilibre de l’écosystème. » L’autre option ? « S’habituer à une forêt qui présente un certain niveau de contamination… »
L’océan est-il toujours contaminé ?
La terre n’est pas la seule affectée par la contamination radioactive provoquée par l’accident du 11 mars 2011. La centrale nucléaire, située près des côtes, a déversé une quantité importante de rejets dans l’océan. « Les poissons les plus touchés, encore aujourd’hui, sont ceux inféodés aux sédiments », indique Jean-Christophe Gariel. « Ils présentent des niveaux de contamination au-dessus des normes de commercialisation. » Les poissons pélagiques, nageant donc loin du fond, présentent, eux, des relativement faibles.
« Si les Japonais ont bénéficié de forts courants au large des côtes au moment de l’accident, favorisant une forte dilution du césium 137, les niveaux de contamination de l’eau ne diminuent pas aussi rapidement qu’on aurait pu l’attendre. » Pour trois raisons :
- « Des rejets diffus viennent sans doute encore de l’installation elle-même ;
- La contamination des sols, lessivés par les eaux de pluies, sont transportés par les cours d’eaux vers la mer ;
- Enfin, les sédiments contaminés peuvent « relarguer » de la contamination.
Enfin, l’impact mondial reste « extrêmement faible », assure Jean-Christophe Gariel. Une île dans le Pacifique, le Japon semble bien seul à subir les conséquences de l’accident de 2011.
Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Emmanuel Ducreuzet