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Une nouvelle recommandation des experts diabétologues et pédiatres européens (EASD et l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes-ISPAD) présentée en avant-première lors du congrès annuel de la société européenne du diabète (15-19 septembre 2025, Vienne, Autriche), propose que soit mis en place, dans l’ensemble des pays, un dépistage systématique du diabète de type 1, chez les enfants de 2 à 15 ans. Ceci bien avant que la maladie ne se manifeste par une élévation du taux de sucre dans le sang, entraînant des complications au niveau des organes (yeux, reins, système cardiovasculaire…).
Les grandes études menées partout dans le monde, sur des milliers d’enfants suivis pendant de longues années (cohortes Fr1DA, BABYDIAB, INNODIA, EDENT1FI…) sont unanimes : le dépistage généralisé apporte un réel bénéfice. Il permet d’éviter des hospitalisations, et l’apparition d’acidocétoses, des situations graves pouvant mettre la vie en danger. Elles surviennent chez les enfants dont on ne savait pas qu’ils étaient diabétiques car, au tout début de la maladie, celle-ci peut passer inaperçue, le taux sanguin de sucre (glycémie) augmentant lentement. Or, ces épisodes d’acidocétose peuvent entraîner des séquelles durables, touchant le cerveau, le système cardiovasculaire ou les reins.
Si la recommandation s’adresse à tous les enfants, et non uniquement à ceux ayant des antécédents familiaux de diabète de type 1 ou de maladie auto-immune, c’est parce que les enfants à haut risque (du fait d’une prédisposition génétique de développer un diabète de type 1) ne représentent qu’environ 10 % des enfants qui déclareront un diabète de type 1 plus tard. Limiter le dépistage aux enfants à haut risque laisserait donc passer la grande majorité des cas entre les mailles du filet.
Une simple prise de sang suffit pour détecter la présence d’au moins deux autoanticorps (anticorps dirigés contre l’individu qui les produit) caractéristiques du diabète de type 1. Dans cette maladie, le système immunitaire fabrique des anticorps dirigés contre l’insuline ou contre les cellules du pancréas qui produisent cette hormone, par exemple. La détection de deux autoanticorps ou plus (parmi GAD65, IA2, ICA, IAA, ZnT8, etc.) confère un risque de quasi 100 % de développer un diabète de type 1 au cours de la vie.
« Lorsque ces anticorps sont identifiés, un second prélèvement sanguin permet de confirmer le résultat, commente la Pre Chantal Mathieu, présidente de la société européenne du diabète. Ce dépistage rend possible l’identification, bien avant toute complication, des enfants qui développeront un diabète de type 1. On dispose alors du temps nécessaire pour débuter un traitement par insuline, mieux contrôler la glycémie et ainsi prévenir les complications graves ou chroniques liées à une glycémie trop élevée. Il a même été observé que les doses quotidiennes d’insuline que l’enfant dépisté à un stade très précoce devra recevoir étaient plus faibles que si on l’avait traité une fois la maladie installée. Et à long terme, la détection précoce favorise un meilleur contrôle métabolique et limite les complications neurologiques, vasculaires et rénales diabétiques. »
Un autre intérêt du dépistage précoce est d’ouvrir la voie aux traitements en développement. Certains médicaments, administrés à ce stade très précoce du diabète de type 1, lorsque les autoanticorps sont présents mais que les symptômes cliniques comme l’hyperglycémie ne sont pas encore apparus, pourraient retarder la survenue de la maladie. Le dossier du premier d’entre eux, l’immunothérapie téplizumab, est en cours d’examen par l’Agence européenne du médicament.Celle-ci a déjà montré sa capacité, chez les enfants porteurs de deux autoanticorps ou plus mais encore sans signe clinique, à repousser l’entrée dans la maladie de plusieurs années.
Enfin, avec ce dépistage, l’objectif est aussi que les enfants porteurs d’autoanticorps, ainsi que leur famille, puissent bénéficier d’un accompagnement éducatif progressif et personnalisé. Cela leur donne le temps d’anticiper la maladie et de se préparer à une prise en charge plus sereine.
Le consensus propose un schéma de dépistage en trois temps : entre 2 et 4 ans, puis entre 6 et 8 ans, enfin entre 10 et 15 ans. Trois dépistages successifs permettent d’atteindre une sensibilité de 80 %, c’est-à-dire que l’on parviendrait à repérer 80 % des enfants futurs diabétiques de type 1.
L’Italie n’a pas attendu ce consensus d’expert : le pays a déjà instauré en 2023 un dépistage universel du diabète de type 1, chez tous les enfants de 1 à 17 ans.
En attendant la logistique pour mettre en place un tel dépistage à si large échelle, se concentrer sur le repérage des enfants ayant un risque accru en raison d’antécédents personnels ou familiaux de maladies auto-immunes peut constituer une première étape. L’objectif reste toutefois d’élargir ce dépistage à l’ensemble de la population.
Source : Interview de la Pre Chantal Mathieu, présidente de l’EASD (Louvain, Belgique) le 19/09/25 ; Suivi du congrès EASD 2025 (15-19/09/25, Vienna, Austria) Session ID S01 : The emerging consensus for population level screening to detect early stage type 1 diabetes (Tuesday, 16 Sep) ; Seroconversion to Multiple Islet Autoantibodies and Risk of Progression to Diabetes in Children. JAMA. 2013;309(23):2473–2479. doi:10.1001/jama.2013.6285 ; Fr1da Study Group. Yield of a Public Health Screening of Children for Islet Autoantibodies in Bavaria, Germany. JAMA. 2020;323(4):339–351 ; T1DI Study Group. Quantifying the utility of islet autoantibody levels in the prediction of type 1 diabetes in children. Diabetologia. Published 05 Oct 2022; (online a/o vol. 66, pp. 93–104).
Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet