Drogues : trafic et usage détourné, le Subutex® sous surveillance
03 juillet 2015
Le Subutex® est un traitement indiqué dans le sevrage des toxicomanes dépendants à l’héroïne. ©ZngZng
Arrêter de consommer de la drogue, et a fortiori de l’héroïne n’est pas chose aisée. Cette substance étant une des plus addictives. Pour aider les toxicomanes à se débarrasser de cette dépendance potentiellement mortelle, les médecins peuvent prescrire de la buprénorphine, plus connue sous le nom commercial de Subutex®. Or cette substance aux effets semblables à ceux de l’héroïne fait l’objet d’un intense trafic illégal et de détournement de son usage médical. En clair, les toxicomanes l’utilisent comme un stupéfiant. L’Académie nationale de médecine tire la sonnette d’alarme et émet quelques recommandations à destination des professionnels de santé.
« Le sevrage se définit comme l’arrêt de la consommation de drogue. Il s’accompagne d’un ensemble de symptômes traduisant un état de manque, appelé syndrome de sevrage », explique le site Drogue Info Services. Pour sortir de l’addiction à un produit stupéfiant, c’est donc un passage obligé. Pour atténuer ces effets difficilement supportables, les médecins peuvent prescrire de la buprénorphine orale à haut dosage (HD) à leurs patients. C’est en « se substituant à l’héroïne pendant 24 heures sur les récepteurs opiacés cérébraux » que cette molécule réduit les effets du sevrage. Associé à une prise en charge médicale et psychologique, il fait donc partie intégrante de l’arsenal à disposition des professionnels de santé dans ce domaine.
Problème, « ce produit est recherché avec avidité par les héroïnomanes (car il est) facilement accessible par simple prescription », indiquent les Prs Jean Costentin, Jean-Pierre Goullé et Gérard Dubois de l’Académie nationale de médecine. Résultat, « il donne lieu à un trafic dont les organismes payeurs font les frais. On les estime à près de 250 millions d’euros par an ». Par ailleurs, « ce produit dissous dans l’eau est souvent utilisé en injection intraveineuse : cette pratique est, depuis 1998, à l’origine de 30 à 40 décès chaque année en France ».
Des mesures insuffisantes
Au total, le nombre d’héroïnomanes actuellement traités par buprénorphine est estimé à 150 000 en France. Pour lutter contre son utilisation comme un stupéfiant récréatif, des mesures ont été prises par les pouvoirs publics en 2008. Or « on constate aujourd’hui l’insuffisance des résultats obtenus », indiquent les membres de l’Académie. Pour améliorer la situation, ces derniers recommandent :
- D’insister auprès des médecins et professionnels de santé pour que l’objectif d’un sevrage soit véritablement privilégié et que, dans ce but, la méthadone soit prescrite en première intention ;
- De privilégier les génériques qui sont moins solubles et donc plus difficilement injectables que le Subutex® ;
- De prescrire la Suboxone®. Cette molécule, associée la naloxone à la buprénorphine, prévient l’effet shoot recherché par l’injection de buprénorphine.
-
Source : Académie nationale de médecine, 2 juillet 2015
-
Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet