Huiles essentielles : à utiliser avec précaution !
02 janvier 2025
De la petite fiole contenant une seule huile à des mélanges avec d’autres ingrédients, comme dans les sprays biocides ou les crèmes cosmétiques, les huiles essentielles sont partout ! Étant donné qu’elles contiennent des substances toxiques, elles doivent être utilisées avec une grande prudence, rappellent les autorités sanitaires.
Les huiles essentielles sont des mélanges complexes de substances chimiques naturelles, extraites de plantes. Leur composition (chimiotype) varie en fonction du genre, de l’espèce, de la sous-espèce, ainsi que de la partie de la plante utilisée. Elle peut également être influencée par le climat, le lieu géographique et la période de récolte. Certaines substances chimiques peuvent être présentes en exclusivité dans une huile essentielle, comme le salicylate de méthyle dans l’huile essentielle de gaulthérie. D’autres, comme le limonène, se retrouvent dans plusieurs huiles essentielles à des concentrations très variables, allant de plus de 90 % dans l’huile essentielle d’orange douce (Citrus aurantium ssp dulcis) à moins de 1 % dans l’huile essentielle de palmarosa (Cymbopogon martini).
Mais que contiennent-elles ?
Les données de la Base nationale des produits et compositions (BNPC) des Centres antipoison ont révélé que certaines fioles d’huiles essentielles contenaient en réalité un mélange de plusieurs huiles d’espèces et sous-espèces différentes au sein d’une même famille. Par exemple, sous l’appellation « huile essentielle de citronnelle », un produit regroupait quatre huiles essentielles de citronnelle aux chimiotypes différents. De plus, de nombreux produits étiquetés comme « huiles essentielles » contiennent d’autres ingrédients, parfois à des concentrations supérieures à 50 %, comme certains sprays aux huiles essentielles comportant plus de 70 % d’éthanol, ou des huiles topiques (à étaler sur la peau) contenant plus de 50 % d’huile végétale ou d’émollients.
Exemples de substances chimiques présentes dans trois huiles essentielles (source : Anses, 2024)
Une utilisation croissante sous surveillance
Selon le type d’huile et l’usage, les huiles essentielles peuvent être appliquées par voie cutanée, inhalées ou ingérées. Selon l’analyse des expositions rapportées aux Centres antipoison entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2021, les appels reçus augmentent, confirmant l’utilisation croissante par la population : 1 926 en 2011, 3 715 en 2017, plus de 4 000 cas de 2018 à 2020, puis une diminution à 3 752 cas en 2021.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient d’évaluer les effets indésirables de ces produits via les appels aux Centres antipoison. Verdict : la hausse des appels reçus entre 2011 et 2021 concerne principalement les enfants (âge médian de 3 ans, 14 % âgés de moins de 1 an), notamment en raison d’ingestions accidentelles d’huiles essentielles laissées à leur portée.
Précisément, plus d’un tiers des cas (36 %) étaient dus à la confusion de l’huile essentielle avec un autre produit en raison de la similarité des conditionnements, principale cause d’accidents chez les enfants de moins de 1 an. Dans la majorité des cas, on avait administré par erreur une huile essentielle à la place de la vitamine D (79 %). Il y avait aussi des confusions avec des flacons de vitamine K ou de fluorure de sodium. D’autres intoxications étaient liées à l’administration d’huiles essentielles à la place de médicaments anti-allergiques ou de probiotiques destinés aux enfants, malgré l’absence de ressemblance des conditionnements.
Attention à certaines huiles essentielles particulières
Certaines huiles essentielles contiennent des substances chimiques actives et potentiellement toxiques.
– L’huile essentielle de gaulthérie, par exemple, est composée presque entièrement de dérivés proches de l’aspirine, et un millilitre de cette huile fournit 1,4 fois plus d’ions salicylates qu’un gramme d’aspirine ! Ces dérivés salicylés peuvent être toxiques, notamment en cas de prise simultanée avec des médicaments contenant de l’aspirine. D’où sa contre-indication chez les personnes allergiques à l’aspirine ou aux dérivés salicylés, ainsi que chez celles suivant un traitement anticoagulant.
– Il est recommandé de conserver les huiles essentielles de Melaleuca (arbre à thé, niaouli, cajeput) dans un endroit frais et sombre pour éviter la formation d’ascaridole, une substance chimique toxique.
– D’ailleurs, la consommation orale d’huiles essentielles de Melaleuca (niaouli et cajeput), riches en 1,8-cinéole, est déconseillée aux enfants de moins de 30 mois, ainsi qu’aux enfants ayant des antécédents d’épilepsie ou de convulsions fébriles, et aux femmes enceintes ou allaitantes. L’Anses, dans une expertise de 2020, a signalé des
risques neurologiques (pour le niaouli et le cajeput), ainsi que des effets cancérogènes, génotoxiques et potentiellement reprotoxiques lors de l’absorption orale de certains composés des huiles essentielles de Melaleuca.
– De plus, une même substance chimique peut être présente dans plusieurs huiles essentielles de genres et espèces différents, comme le camphre, retrouvé dans les huiles essentielles de lavande et de lavandin, avec des concentrations variables selon le genre et l’espèce. Attention au surdosage.
Quelles précautions prendre lors de l’utilisation d’huiles essentielles ?
Il est essentiel d’utiliser les huiles essentielles avec précaution, en raison de la présence de substances toxiques dans leur composition. Ces huiles sont déconseillées pour les enfants et les femmes enceintes, en raison notamment de la présence de substances neurotoxiques ou de composants toxiques pour le fœtus ou l’embryon. Il faut les garder hors de portée des enfants et de ne pas les ranger avec les produits destinés aux soins des nouveau-nés et nourrissons.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a formulé en 2023 des recommandations pour prévenir certains risques, notamment de ne pas appliquer d’huiles essentielles pures sur les muqueuses et de se laver soigneusement les mains après une application cutanée ou un massage avec une huile essentielle.
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Source : Vigilance des toxines naturelles #24 Décembre 2024 •Vigil’Anses ; Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). 2023. Les huiles essentielles ; Anses 2020 : Compléments alimentaires contenant des huiles essentielles d’arbre à thé, de niaouli et de cajeput : leur consommation sans précaution peut présenter des risques
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet