JO 2024 : la santé mentale des athlètes, un sujet majeur
24 juillet 2024
Les récentes prises de parole de Simone Biles, la gymnaste américaine, de Michael Phelps, l'un des plus grands nageurs de tous les temps, ainsi que des athlètes français comme Camille Lacourt, ont médiatisé le sujet de la santé mentale des athlètes de haut niveau. La parole s’est libérée chez ces sportifs d’élite.
Le temps passé à l’entraînement, les compétitions, etc. impactent la santé physique mais aussi mentale des athlètes de haut niveau. « Les troubles psychologiques sont fréquents, d’où l’importance d’une prévention efficace », soulignait le Dr Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP, Paris) lors d’une séance sur la médecine des Jeux Olympiques et Paralympiques à l’Académie nationale de médecine (19 juin 2024). Il reconnait que « de manière générale, il y a une meilleure prise en compte de la santé mentale aujourd’hui. »
La réalité des troubles psychologiques
Les rares chiffres proviennent du groupe de travail sur la santé mentale du Comité international Olympique en 2019, traduits en 2022 par le Réseau francophone olympique de recherche en médecine du sport. Les principaux troubles sont les suivants :
– la qualité du sommeil : entre 50 et 65 % des athlètes rencontrent des difficultés à dormir. Mais elles peuvent potentiellement être liées à des troubles anxieux ;
– les troubles anxieux et apparentés : ils affectent entre 4 % et 15 % des athlètes ;
– les troubles dépressifs : leur prévalence varie de 4 % à 68 % selon les études, des chiffres assez élevés ;
– les troubles du comportement alimentaire : touchant principalement les femmes, leur prévalence varie de 6 % à 45 %. A noter, la gestion de l’alimentation est particulière chez les athlètes dans les sports à catégorie de poids, ce qui peut être confondant vis-à-vis des troubles du comportement alimentaire ;
– la consommation abusive de substances, et notamment l’alcool qui varie de 7 % à 10 %.
Deux périodes à risque pour la santé mentale
L’entrée en structure, de type INSEP ou d’autres, est un moment charnière. L’entraînement change considérablement, les exigences de l’entraîneur augmentent, comme le nombre et l’intensité des entraînements ainsi que le nombre de compétitions. Le groupe est souvent différent, composé d’athlètes de niveau équivalent ou supérieur, ce qui accroît la pression. L’éloignement du milieu familial rend difficile le partage des émotions.
L’arrêt de carrière peut aussi être très problématique pour la santé mentale. Le changement est radical, le rythme de vie est bouleversé. Il faut également faire le deuil de la carrière sportive. De nouveaux projets personnels et professionnels apparaissent, souvent plus ou moins bien élaborés, générant de l’anxiété. Il y a aussi un sentiment de perte d’identité : on passe de “grand champion” à une personne ordinaire.
Blessure, surentraînement, non-sélection… autant de facteurs déclenchants
Les troubles psychologiques chez les athlètes peuvent être déclenchés par plusieurs facteurs, en premier lieu la blessure physique. Elle empêche de s’entraîner, écarte du groupe, et change brutalement le rythme de vie. Le retour à l’entraînement est souvent incertain, et les conséquences économiques peuvent être lourdes, notamment avec les sponsors qui retirent leur soutien. Une blessure particulière est la commotion cérébrale, souvent qualifiée de “blessure invisible” et souvent sous-estimée. Les troubles psychologiques font partie du diagnostic, avec un risque dépressif d’environ 20 %.
Un autre facteur déclenchant est le surentraînement, bien que rare. Il se définit par un volume d’entraînement de 5 à 7 séances par semaine, une fatigue persistante au-delà de 4 semaines, l’absence de maladie associée, et une baisse de performance supérieure à 10 % malgré une réduction du niveau d’entraînement. Or, le diagnostic est souvent retardé, car la fatigue est perçue comme normale. Depuis 2016, un questionnaire annuel de surentraînement élaboré par la Société française de médecine de l’exercice et du sport, est obligatoire.
La non-sélection et la contre-performance, vécues comme des échecs, ont des répercussions psychologiques particulières, encore plus aux Jeux Olympiques et Paralympiques qui n’ont lieu que tous les 4 ans.
La pression psychologique de l’entourage (famille, entraîneur, dirigeants, agents sportifs, sponsors…), et la charge émotionnelle sont des facteurs de troubles psychologiques, ainsi que les réseaux sociaux.
Des signes à repérer
Certains signaux doivent alerter comme la fatigue anormale, les blessures fréquentes, l’inquiétude et la rumination, les troubles du sommeil, les problèmes alimentaires, les fluctuations de poids, la perte de motivation, les difficultés de concentration, la baisse de l’estime de soi et l’isolement social.
À l’INSEP, « pour aller au-delà des tests psychométriques d’auto-évaluation, indique le Dr Sébastien Le Garrec, les athlètes sont reçus régulièrement par quatre psychologues cliniciennes qui utilisent une grille de bilan couvrant divers aspects tels que la famille, les projets, les blessures, la gestion de l’anxiété et la confiance en soi. Le suivi est personnalisé et complet, assuré par un médecin et/ou un psychologue. En cas de nécessité de traitement médicamenteux, les effets positifs et négatifs sur la sécurité et les performances de l’athlète sont évalués, et la prescription respecte les obligations du règlement antidopage. »