Maltraitance infantile : quels sont les facteurs de risque ?
22 mai 2024
Une étude française met en lumière les facteurs de risque, chez la mère et chez le nourrisson, les plus fortement associés à la maltraitance physique infantile précoce - commise sur des bébés de moins de 1 an. Les identifier doit contribuer à mettre en place des programmes de prévention plus efficaces pour protéger les enfants.
Certains facteurs de risque, concernant la mère et/ou l’enfant, sont associés à la maltraitance physique infantile (MPI) précoce. Il s’agit de l’usage intentionnel de la force physique sur un enfant de moins d’un an – notamment le fait de secouer un nourrisson, maltraitance à l’origine du syndrome du bébé secoué. Une étude française, publiée le 15 mai dans la revue Lancet Regional Health- Europe, a pu mettre en lumière ces facteurs de risque en analysant les données du registre national Mère-Enfant EPI-MERES incluant les nourrissons nés en France entre 2010 et 2019. « On est parti du constat qu’en France notamment, il y a peu de recherches sur la maltraitance infantile. Il faut pourtant mener ces recherches pour améliorer l’état de santé des enfants maltraités ou prévenir la maltraitance », commente Flora Blangis, sage-femme, post-doctorante en épidémiologie qui a réalisé cette étude dans le cadre de sa thèse.
Quels facteurs maternels, prénataux et postnataux ?
Ce travail, du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP, Paris), d’Université Paris Cité, de l’Inserm et du CHU de Nantes, a porté sur 6 897 384 nourrissons dont 2 994 d’entre eux ont reçu à l’hôpital un diagnostic de MPI précoce, à un âge médian de 4 mois.
Chez la mère, les facteurs de risque les plus souvent associés à une MPI étaient, dans l’étude :
- de faibles ressources financières ;
- un âge inférieur à 20 ans ;
- un trouble de l’usage de l’alcool ;
- un trouble de l’usage des opiacés ;
- être victime de violences conjugales ;
- souffrir d’une pathologie psychiatrique chronique ou d’une pathologie somatique chronique ;
- une hospitalisation en psychiatrie juste avant, pendant ou après de la grossesse.
Chez le nourrisson, on retrouve :
- une grande prématurité ;
- un diagnostic de pathologie neurologique chronique sévère.
Prévenir les violences physiques
« Nous avons identifié des facteurs de risque – des environnements et des familles à risque – mais notre étude n’établit pas de liens de causalité entre ces facteurs et la maltraitance infantile », explique l’épidémiologiste. Elle insiste sur un point : « nous nous sommes intéressés à la mère car ces données sont disponibles mais cela ne veut pas dire que la mère commet les violences. D’ailleurs dans la littérature, sur la maltraitance infantile d’un nourrisson, ce n’est, le plus souvent, pas la mère qui les commet. »
Selon l’épidémiologiste, ces facteurs de risque étaient déjà connus, mis en lumière dans des études anciennes ou sur de faibles échantillons. « La MPI est multifactorielle et il est important de prendre en compte l’ensemble des facteurs pour élaborer des programmes de prévention plus efficaces. »
Il s’agit notamment de mettre en place des outils de stratification du risque. « Dès la maternité, l’identification de ces facteurs de risque permettrait d’allouer les ressources qui existent déjà aux familles qui en ont le plus besoin, comme notamment le passage de la puéricultrice de la PMI », explique Flora Blangis.
4 à 16 % des enfants de moins de 18 ans victimes de violences physiques
« La maltraitance physique infantile est définie comme l’usage intentionnel de la force physique envers un enfant, notamment le fait de le frapper, l’étouffer ou encore le secouer. Une MPI précoce (c’est-à-dire avant l’âge de 1 an) est responsable de conséquences à long terme, notamment des troubles du développement neurologique, des troubles mentaux et des maladies somatiques », rappellent l’Inserm et l’AP-HP dans un communiqué commun. Selon le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, chaque semaine en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents. Et selon une étude relayée par l’Inserm, la maltraitance physique concerne 4 % à 16 % des enfants âgés de moins de 18 ans.
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Source : AP-HP, Inserm, Interview de Flora Blangis
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet