Levothyrox, symptomatique du manque d’information des patients ?

12 septembre 2017

L’affaire du levothyrox ne s’essouffle pas. Malgré la persistance des autorités de santé, les patients sont de plus en plus nombreux à réclamer le retour à l’ancienne formule de ce médicament. Ou au moins la cohabitation des deux présentations, le temps que chaque patient réussisse à équilibrer son traitement. Le changement de formule – bien que permettant d’améliorer la stabilité de la molécule – révèle des lacunes en matière de communication auprès des patients de la part des autorités.

La nouvelle formule du levothyrox, médicament pris par près de 3 millions de malades en France, a commencé à arriver dans les pharmacies en mars dernier. Depuis, les déclarations d’effets indésirables n’ont cessé de s’accumuler – 9 000 au début septembre d’après la ministre de la santé. Au point de mener à la signature par près de 250 000 personnes d’une pétition en faveur d’un retour à l’ancienne formule. De son côté, l’association Vivre sans thyroïde demande « une coexistence entre les deux formules, le temps que les malades rééquilibrent leur traitement », explique Muriel Londres, porte-parole de l’association. « L’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) nous a répondu que cette option était impossible. »

Les effets indésirables rapportés suite au changement de la formule sont pourtant loin d’être anodins. Fatigue intense, douleurs, migraines… Parfois au point d’empêcher les malades de travailler, de vivre normalement. Pourtant selon Agnès Buzyn, « le seul danger pour la santé des patients est d’arrêter leur traitement ».

Ces effets sont-ils dus au changement de formule ? Le levothyrox étant une molécule à marge thérapeutique étroite, tout changement peut entraîner une modification de l’absorption ou de l’élimination par l’organisme du malade. En l’occurrence, le changement de formule a pu provoquer des sur ou sous-dosages. « En raison du changement d’excipients, certains patients absorbent sans doute le médicament différemment », poursuit le Dr Delphine Drui, du service Endocrinologie, Diabétologie, Maladies Métaboliques au CHU de Nantes. Par conséquent, « ils n’auront pas la même disponibilité du médicament dans le sang et donc pas la même imprégnation de leur organisme ». Résultat, ces « symptômes correspondent à l’équivalent d’un changement de posologie ».

Pour rappel, le changement effectué par le fabriquant Merck à la demande de l’ANSM a consisté en une modification d’excipients. « Ils ont remplacé le lactose par du mannitol », précise le Dr Drui. Et un ajout d’acide citrique anhydre pour améliorer la stabilité de la molécule. « En effet, avec l’ancienne formule il pouvait y avoir une diminution de l’efficacité au cours du temps, en fonction de la durée de stockage notamment », explique-t-elle.

Anticiper les conséquences, communiquer avec les malades

Pour autant, d’après le Dr Dominique Dupagne, médecin et auteur du blog Atoute.org, « un tiers des utilisateurs verront l’absorption du nouveau levothyrox varier de plus de 20%, ce qui fait tout de même un million d’utilisateurs en France ». Selon lui, « il était facile de prévoir que la substitution directe […] entre l’ancien et le nouveau médicament serait associée à des problèmes importants chez de nombreux patients et de les anticiper ».

Si les médecins ont reçu un courrier de l’ANSM leur annonçant le changement de formule, de nombreux patients n’ont pas été informés. « Un grand nombre d’entre eux ne voit leur endocrinologue qu’une fois par an », souligne le Dr Drui. La colère des malades, non informés et exposés sans explication pour certains à des effets sur leur santé, est donc compréhensible. « Nous sommes persuadés que la nouvelle formule est plus stable, mais nous espérons qu’un vrai travail de fond va se mettre en place en matière d’information du grand public et des patients », poursuit-elle.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a « reconnu un problème d’information des patients » ce lundi 11 septembre. Un peu tard ?

  • Source : interview du Dr Delphine Drui du Service Endocrinologie, Diabétologie, Maladies Métaboliques au CHU de Nantes, 8 septembre 2017 – interview de Muriel Londres, porte-parole de l’association Vivre sans thyroïde, 12 septembre 2017 – Atoute.org, Dr Dominique Dupagne, 12 septembre 2017

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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