Maltraitance infantile : la repérer pour éviter les récidives
24 novembre 2021
Le repérage et la prise en charge des violences physiques chez le nourrisson peuvent s’avérer complexe. En cause : un manque cruel de consensus médical sur les signes évocateurs et les protocoles de diagnostic.
La maltraitance physique concerne 4 à 6% de la population mineure en France. Parmi ces victimes : une grande majorité de nourrissons pour qui des retards de prise en charge peuvent s’avérer dangereux.
Mais comment repérer la maltraitance physique auprès de ces tous petits ? Pour répondre à cette question, des chercheurs de l’Inserm ont dressé un état des lieux des recommandations en vigueur dans plusieurs pays.
Premier point, une étude française de 2015 mettant en avant des différences de protocoles dans des situations pourtant évocatrices de violences. « Dans le cas théorique d’un nourrisson de 9 mois présentant une fracture du fémur, de nombreuses ecchymoses et un traumatisme crânien, seuls 28% des pédiatres interrogés auraient demandé une IRM du crâne, un examen pourtant recommandé après le scanner dans ce cadre de potentiels traumatismes infligés », détaille l’équipe des Prs Flora Blangis et Martin Chalumeau.
20 protocoles de diagnostic à la loupe
Inquiets de cette différence dans la pratique, les scientifiques ont creusé plus loin, du côté « des sociétés savantes, des agences sanitaires ou des groupes d’experts de pédiatrie ». En France par exemple, il s’agit de la Haute autorité de Santé (HAS).
Au total, 20 documents de référence publiés entre 2010 et 2020 ont pu être analysés. Un travail effectué auprès de 15 des 24 pays les plus développés des Nations-Unies. Dans un premier temps, les scientifiques « ont comparé les recommandations d’examens diagnostiques préconisés en cas de suspicion de maltraitance physique infantile ». Puis les chercheurs « ont ensuite déterminé pour chaque examen si celui-ci était recommandé de façon systématique, conditionnelle (au cas par cas en fonction du contexte clinique), n’était pas recommandé ou n’était même pas mentionné ».
Scintigraphies, lésions sentinelles
Premier point à retenir de ces résultats, le manque de consensus scientifique, « qui pourrait expliquer une partie des différences entre les pratiques cliniques observées pour le diagnostic de maltraitance physique infantile ». D’autres points sont ressortis de cette étude :
- Les radiographies du squelette semblent pratiquées de façon homogène ;
- Les scintigraphies osseuses, examens d’imagerie destinés à la recherche de fractures en complément de radiographies du squelette, sont inscrites dans les recommandations de la HAS et celles issues des autorités américaines, mais pas du côté des autorités britanniques ;
- La difficulté à trouver une définition commune concernant les lésions dites sentinelles: celles repérées chez le nourrisson n’étant donc pas en capacité de se mouvoir seul. Sur les 20 documents analysés, 6 restent incomplets et se concentrent uniquement sur les lésions cutanées, 10 comprennent aussi les fractures, les lésions intra-buccales, intracrâniennes ou abdominales.
35% à 50% de récidive en cas de faux négatifs
« Nous ne nous attendions pas à identifier de si grandes disparités entre les recommandations », continue le Pr Flora Blangis. « Les examens recommandés en cas de suspicion de maltraitance physique infantile et ceux réalisés en pratique devraient peu varier ». Notamment pour que les médecins généralistes et les pédiatres puissent assurer « la détection précoce et le diagnostic de la maltraitance physique des nourrissons. Leurs décisions devraient pouvoir s’appuyer sur des recommandations complètes, claires et cohérentes comme c’est le cas dans d’autres pathologies ».
Ce manque de consensus relève d’une priorité de santé publique alors que les erreurs de diagnostic et les retards de prise en charge peuvent largement impacter la santé de l’enfant. « En particulier, des résultats faussement négatifs exposent les nourrissons à un risque de récidive de maltraitance estimé entre 35% et 50%. »
*Obstetrical, Perinatal and Pediatric Epidemiology Research team, Centre of Research in Epidemiology and StatisticS, Université de Paris, INSERM, F-75004 Paris, France
**Unité Inserm – Université de Paris 1153, Centre de Recherche Épidémiologie et Statistiques Equipe de Recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé)
***le Royal College of Paediatrics and Child Health au Royaume-Uni, l’American Academy of Pediatrics aux Etats-Unis
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Source : Inserm, JAMA Network Open, le 17 novembre 2021
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet