Mucoviscidose : la révolution Kaftrio ne profite pas à tous les patients
11 décembre 2024
Le bilan 2023 du Registre français de la mucoviscidose confirme la révolution attendue par le Kaftrio, cette trithérapie qui améliore les symptômes respiratoires des patients. Toutefois, certains indicateurs se détériorent comme la santé mentale. Et la situation des malades greffés reste très difficile.
L’association Vaincre la mucoviscidose a publié lundi 9 décembre le bilan 2023 du Registre français de la mucoviscidose. Ces données ont été récoltées auprès des Centres de ressources et de soins de la mucoviscidose (CRCM), des centres pluridisciplinaires créés en 2002 pour coordonner les soins des patients. Elles offrent une vue d’ensemble sur les profils des patients, leur état de santé et leur suivi.
Pour rappel, la mucoviscidose est une maladie génétique rare qui diminue la fonction respiratoire. Elle se caractérise notamment par un encombrement des bronches, une toux chronique, et des infections bactériennes fréquentes.
Au total, en 2023, 7 680 patients dont 64 % d’adultes étaient suivis en 2023 dans les CRCM. L’âge moyen des patients suivis est de 25,7 ans. L’âge médian de décès atteint 38,4 ans. Le taux de mortalité pour 1 000 patients a baissé de 6,3 en 2019 à 5,2 en 2023.
Une majorité de patients sous trithérapie
Désormais, 66 % des patients ont accès à la trithérapie Kaftrio, qui, depuis sa mise sur le marché voici 5 ans, a considérablement amélioré l’état de santé, notamment respiratoire, des patients qui en bénéficient. Chez les malades, la mutation du gène CFTR empêche la protéine du même nom de fonctionner normalement. Conséquences : une accumulation de mucus épais dans les poumons, le pancréas et d’autres organes. Kaftrio restaure la fonction de la protéine CFTR. D’abord réservé aux adultes, une majorité d’enfants y a eu aussi accès courant 2023, le recours à Kaftrio augmentant de 15 points en 2023 par rapport à 2022.
Les bénéfices sont là. Le baromètre pointe un recours aux traitements en baisse sur la période avec moins de cures d’antibiotiques et de thérapeutiques respiratoires. Très concrètement, le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) moyen a progressé de 7 points en 5 ans pour les enfants et de huit pour les adultes, atteignant respectivement 98,7 % et 79,5 % en 2023. Et le pourcentage de patients infectés par Pseudomonas aeruginosa, pathogène le plus fréquent dans la maladie, est passé de 37, 6 % en 2019 à 22, 9 % en 2023.
Kaftrio inefficace pour les mutations génétiques rares
Même tendance du côté des greffes, avec seulement 12 patients transplantés en 2023, dont 8 greffes pulmonaires, soit près de 10 % du nombre annuel de greffes pratiquées avant l’arrivée de la trithérapie. Le nombre de patients inscrits en liste de greffe continue également de reculer. La greffe représente désormais l’ultime recours pour les personnes avec des mutations rares pour lesquelles Kaftrio ne fonctionne pas.
Mais si les symptômes respiratoires se sont nettement améliorés, des comorbidités persistent voire s’aggravent. L’ostéoporose et le diabète ont augmenté entre 2019 et 2023, atteignant 19,9 % et 22,4 %.
Et la santé mentale des patients se dégrade avec un taux de dépression et d’anxiété à 10, 8 %. Comment l’expliquer ? Selon un article du site The Conversation, qui précise les résultats de l’étude Revivre, à partir des récits des malades sous Kaftrio, la trithérapie a pu déstabiliser la vie de certains malades chez qui l’amélioration physique immédiate a entraîné un « chamboulement ». « L’identité se trouve aussi mise en question du fait de la nette diminution des soins – médicaux, paramédicaux et comprenant le soin de soi – dans la lutte quotidienne pour protéger la vie. L’arrêt de ce combat peut laisser place à une sensation de vide », notent les auteurs de l’article publié le 16 septembre.
70 % des décès sont des patients greffés
Et du côté des patients greffés, les chiffres restent mauvais. Ceux-ci ne représentent que 11,6 % des patients et concernent pourtant 70 % des décès. Ainsi, depuis 2021, le nombre de décès de patients transplantés est supérieur au nombre de transplantations. Ces patients greffés en 2023 souffrent d’hypertension (41,4 %), de diabète (69,9 %) et d’ostéoporose (60,7 %), à cause des traitements nécessaires pour prévenir le rejet du greffon. Ils sont aussi plus à risque de développer un cancer (8,1 %) et 27 % d’entre eux souffrent de dépression et d’anxiété. Vaincre la Mucovoscidose entend poursuivre ses investissements dans la recherche pour prévenir le rejet du greffon.
A noter : La fonction pancréatique demeure anormale chez 80% de patients sous kaftrio, ce qui tend à démontrer l’impact limité de la trithérapie sur les autres fonctions que respiratoires.
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Source : Vaincre la Mucoviscidose, bilan 2023 du Registre français de la mucoviscidose ; The Conversation
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet