Néonicotinoïdes : la France contrainte d’en interdire l’usage

24 janvier 2023

Les néonicotinoïdes ne pourront plus entrer dans la composition des semences de betterave à compter du mois de mars. Une décision prise ce 23 janvier par la Cour de justice de l’Union européenne. Quels sont les effets de ces insecticides sur la santé humaine ? Quelles alternatives pour remplacer ces pesticides ?

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Les néonicotinoïdes entrent dans la composition de nombreux produits phytopharmaceutiques. Certains planteurs, sucriers, agriculteurs et semenciers les emploient pour freiner la propagation de pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave, une maladie virale exposant à une perte de productivité. Mais ces substances déciment des populations entières d’abeilles. Elles ont commencé à faire l’objet d’interdiction au niveau de la Commission européenne en 2018. Depuis cette date, des dérogations d’utilisation sont accordées dans certains pays comme la France et la Belgique : un délai accordé aux agriculteurs, le temps que les lignes politiques et sanitaires bougent aussi.

La France allait ainsi entrer dans sa 3e  et dernière année de délai supplémentaire, pour une sortie définitive de cette utilisation en 2024. Mais la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché précocement sur le sujet, ce jeudi 19 janvier. En substance : « les États membres ne peuvent pas déroger aux interdictions expresses de mise sur le marché et d’utilisation de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ». Traduction : aucune raison que ces délais supplémentaires perdurent, la fin des néonicotinoïdes c’est pour (presque) maintenant. Ainsi, ces pesticides seront bannis en France, dans les semences de betterave, à partir de mars 2023, a fait savoir le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

Quelles méthodes non chimiques ?

Suite à cette décision, l’Etat a fait savoir qu’il se chargerait « d’accélérer le déploiement d’alternatives et accompagnera la filière betterave-sucre ». Des solutions* issues du plan national de recherche et innovation (PNRI)** sont donc mise sen lumière, avec pour objectif de disperser les foyers de jaunisse. Il s’agit par exemple de cultiver des « plantes compagnes » capables de mettre en fuite les pucerons verts, comme les graminées (avoine, orge de printemps, fenugrec, vesce, féverole et pois).

Autres pistes à l’étude : la protection croisée, soit une sorte de vaccination consistant à injecter un variant de la jaunisse aux betteraves pour les rendre plus résistantes aux infections virales. Les lâchers de prédateurs, la répartition de composés odorants, l’installation de bandes fleuries font aussi parties des pistes de protection. Tout comme l’utilisation d’images satellite pour repérer la propagation de la jaunisse sur un territoire donné. Ou encore la modélisation pour anticiper les risques d’invasion des pucerons, en fonction des types de culture et des températures notamment.

La santé animale… et humaine ?

Comme le précise la CJUE, cette décision a été prise « pour garantir le niveau élevé de protection de la santé des animaux recherché au sein de l’Union ». Mais que sait-on de l’impact de ces néonicotinoïdes sur la santé humaine ? Plusieurs études mettent en avant des troubles du développement fœtal et neurologique, avec une sur-exposition à la tétralogie de Fallot, une malformation cardiaque congénitale, à l’anencéphalie, une malformation congénitale du système nerveux central***. Les néonicotinoïdes exposent aussi après la naissance au trouble du spectre autistique (TSA), à des perturbations de la mémoire et à des épisodes de tremblement.

*testées au sein du réseau des Fermes pilote d’expérimentation (FPE)

**plan intitulé « vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière »

***l’anencéphalie est caractérisée par l’absence de la fermeture normale du tube neural à l’extrémité antérieure

  • Source : ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le 23 janvier 2023 - Cour de justice de l’Union européenne, le 19 janvier 2023 - Effects of Neonicotinoid Pesticide Exposure on Human Health: A Systematic Review – Environnemental Health Perspectives - https://doi.org/10.1289/EHP515

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet

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