© Ground Picture / shutterstock.com
Les statines sont un pilier de la santé cardiaque depuis plus de 30 ans, sauvant des millions de vies en abaissant le cholestérol et en réduisant le risque d’infarctus et d’accident cardiovasculaire cérébral (AVC), surtout lorsque le taux de LDL-cholestérol est très élevé. Pour cela, les statines inhibent une enzyme clé de la voie de biosynthèse du cholestérol.
Grâce aux recherches de l’Université de la Colombie-Britannique (Vancouver, Canada) publiées dans la revue Nature Communication, on comprend désormais mieux les raisons pour lesquelles les statines peuvent entraîner des douleurs et une faiblesse musculaire et, dans de rares cas, une rhabdomyolyse (destruction des cellules des muscles squelettiques) pouvant entraîner une insuffisance rénale. « Pour de nombreux patients, ces médicaments présentent un effet secondaire préoccupant », écrivent les auteurs. Ces situations ne sont pas pour autant fréquentes au regard du nombre de personnes ayant un risque cardiovasculaire augmenté et nécessitant un traitement contre l’hypercholestérolémie par statine.
Néanmoins, si les lésions musculaires graves ne touchent qu’une petite fraction des plus de 200 millions d’utilisateurs de statines dans le monde (5 millions environ en France), les symptômes plus légers comme les douleurs dont les crampes et la fatigue musculaires sont beaucoup plus fréquents et conduisent souvent les patients à interrompre leur traitement. On estime par exemple que des douleurs musculaires concernent, à des degrés divers, 10 à 25 % des patients sous statines en France.
Afin de comprendre le mécanisme au niveau musculaire, l’équipe canadienne a utilisé la cryo-microscopie électronique pour observer comment les statines interagissent avec une protéine musculaire essentielle (récepteur de la ryanodine) qui régule le calcium à l’intérieur des cellules musculaires. Ce récepteur ne s’ouvre que lorsque les muscles doivent se contracter. Mais lorsque les statines s’y lient, elles forcent l’ouverture de ce régulateur, et c’est la fuite continue de calcium. D’où un effet toxique susceptible d’endommager le tissu musculaire. C’est la première fois que des chercheurs ont pu visualiser l’interaction statine-protéine avec une telle précision.
« Nous avons pu observer comment les statines se fixent à ce canal », explique le Dr Steven Molinarolo, auteur principal de l’étude. Cette fuite de calcium explique pourquoi certains patients souffrent de douleurs musculaires, voire, dans des cas extrêmes, de complications potentiellement mortelles. »
L’étude portait sur l’atorvastatine, l’une des statines les plus prescrites, mais les résultats suggèrent que cet effet pourrait être commun à toute cette classe de médicaments. « C’est un grand pas en avant, se réjouissent les chercheurs, permettant d’imaginer une nouvelle génération de statines qui n’interagissent pas avec le tissu musculaire. » En effet, en modifiant uniquement les parties de la molécule de statine responsables des effets négatifs, les scientifiques espèrent préserver celle qui abaisse le cholestérol tout en réduisant le risque musculaire.
Des nouvelles découvertes qui seront bienvenues pour améliorer l’observance de ces traitements vitaux ainsi que la qualité de vie des millions de personnes à risque cardiovasculaire.
En France, les autorités françaises le rappellent, « comparé au risque de rhabdomyolyse qui est exceptionnel, le bénéfice attendu avec les statines reste indiscutable ». Elles confirment que toutes les statines peuvent entraîner des troubles musculaires. Certains patients ressentent une douleur ou une sensibilité musculaire inexpliquée, une fatigue musculaire (perte de force) ou des crampes. Une rhabdomyolyse survient très rarement, avec ou sans insuffisance rénale et peut être fatale. Cette situation apparaît en quelques jours, le plus souvent au début du traitement, sans signe annonciateur : douleurs musculaires intolérables, grande faiblesse musculaire, destruction des muscles massive avec une élévation importante des CPK (enzymes libérées par les muscles) accompagnée d’urines rougeâtres (pigment musculaire qui se retrouve dans les urines).

Source : Molinarolo, S., Valdivia, C.R., Valdivia, H.H. et al. Cryo-electron microscopy reveals sequential binding and activation of Ryanodine Receptors by statin triplets. Nat Commun (2025); Mise au point sur les risques musculaires des statines, Afssaps 2002 ; document SFC aux JESFC 2020 Statines et maladies cardio-vasculaires ; Cholestérol : Faut-il arrêter la prise préventive de statines après 75 ans ? Inserm 2020.

Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet