Perte de l’odorat, symptôme du Covid-19
21 mars 2020
La toux et la fièvre sont les principaux symptômes associés au Covid-19. Mais de nombreux patients déclarent aussi une perte brutale de l'odorat (anosmie), sans obstruction nasale. Les explications du Dr Charlotte Hautefort, médecin ORL à l’Hôpital Lariboisière – Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, APHP.
Mi-février, dans le service ORL de l’Hôpital Lariboisière (APHP), un cas d’anosmie brutale (perte de l’odorat) chez une soignante intrigue les équipes. Dans le même temps, les spécialistes du site DocADoc, alertés par le Dr Alain Corré, ORL à Paris, notent une recrudescence de cas similaires. « Et si c’était le Covid-19 ? », s’interroge Dr Charlotte Hautefort, médecin ORL à l’Hôpital Lariboisière. Et cette corrélation ne vient pas de nulle part. Depuis plusieurs années déjà, on sait que les coronavirus peuvent entraîner ce genre de symptômes.
« En février, le peu de patients positifs au Covid-19 symptomatiques déclaraient uniquement un syndrome grippal (épisodes de fièvre, quintes de toux, céphalées, maux de gorge). » A ce stade de l’épidémie, la perte de l’odorat n’était donc pas classée parmi les symptômes évocateurs. Mais au fil des semaines, le lien entre l’anosmie brutale et l’éventualité d’une contamination au Covid-19 se précise.
Aujourd’hui, les spécialistes français* de l’ORL le confirment : si un patient perd brutalement le sens de l’odorat, et souvent même celui des saveurs, alors un Covid-19 est largement suspecté. Mais uniquement si ce trouble n’est pas associé à « une obstruction nasale », souligne le Dr Hautefort. « Si vous avez le nez bouché, le diagnostic ne sera pas le même : il peut s’agir d’une rhinite ou d’une autre infection nasale. »
L’anosmie sans obstruction nasale suffit au diagnostic
Ce symptôme constitue un outil de diagnostic à part entière. « En deux jours, nous avons répertorié plus d’une centaine de soignants ou patients suspects Covid-19 souffrant d’anosmie brutale et isolée », déclare le Dr Hautefort. « Et nous n’avons plus besoin de les tester pour confirmer la contamination. » Au-delà de la France, ce dépistage simple et peu onéreux pourrait bien aider « les pays qui n’en sont qu’au début de l’épidémie pour repérer un maximum de cas le plus précocement possible ». Mais aussi les zones du monde « dans lesquelles le système de santé est fragile ».
En Chine, ce lien de cause à effet n’a pas été rapporté. En revanche des cas sont aussi à l’étude en Allemagne, en Iran, en Suisse, au Royaume-Uni, en Belgique et aux Etats-Unis.
Si vous ne sentez brutalement plus aucune odeur, et que vous n’avez pas le nez bouché, il est recommandé de « rester confiné chez vous et de surveiller l’apparition d’autres symptômes (fièvre, toux, dyspnée) ». Aucune prescription de corticoïdes par voie générale ou locale ne devra être établie. Enfin, par précaution les lavages nasaux ne sont pas recommandés. Aujourd’hui on ne sait pas si ce geste est « à risque de dissémination virale le long des voies aériennes ».
Comment testez votre sens du goût et de l’odorat ?
Selon les observations actuelles, les anosmies aiguës liées au Covid-19 s’atténuent et l’état de santé des patients évolue favorablement. « De prochaines études viendront préciser la durée de l’anosmie et l’évolution dans le temps des patients concernés », atteste le Dr Hautefort.
Si ce trouble perdure, voici quelques exercices de rééducation olfactive. Sélectionnez différents flacons selon les saveurs que vous avez sous la main : vanille, café, aneth, thym, cannelle, clou de girofle, lavande, coriandre, vinaigre léger, menthe et de cumin. Lisez l’étiquette avant de sentir chaque saveur pour « donner le temps à votre système sensoriel d’associer » la vision au goût ou à l’odeur perçue. Et évaluer votre odorat chaque jour.
* Dr Emilie Béquignon, ORL CHU Henri Mondor, Dr Alain Corré, ORL Fondation Rothschild, Dr Charlotte Hautefort, ORL CHU Lariboisière, Pr Jean François Papon, ORL CHU Kremlin Bicêtre, Pr Dominique Salmon, Infectiologue, Pr Vincent Couloigner, Secrétaire Général de la SFORL, Pr Emmanuel Lescanne, Président du Collège ORL & CCF, Dr Jean-Michel Klein, Président du CNP ORL, Dr Nils Morel, Président du SNORL
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Source : Interview du Dr Charlotte Hautefort, médecin ORL à l’Hôpital Lariboisière – Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, APHP), le 21 mars 2020 – Conseil national professionnel de l’ORL, Syndicat national des médecins spécialistes en ORL et chirurgie cervico-faciale, Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, Collège français ORL et CCF (chirurgie cervico-facial)
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet