Procrastination : le mécanisme cérébral décrypté
11 octobre 2022
Grâce à l’imagerie fonctionnelle et à des tests comportementaux, une équipe de chercheurs français a identifié la région du cerveau où se joue notre décision de tout remettre à plus tard.
Remplir sa feuille d’impôt tout de suite, ou attendre la dernière minute ? Réserver ses vacances maintenant, ou patienter jusqu’au dernier moment ? A l’inverse des précrastinateurs qui font tout, tout de suite, au prix parfois d’une dépense d’énergie inutile, les procrastinateurs, eux, ont tendance à reporter l’exécution d’une tâche à plus tard.
C’est à ces personnes – à qui nous ressemblons tous plus ou moins, à un moment ou à un autre et à des degrés divers, que se sont intéressés des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et de l’AP-HP au sein de l’Institut du Cerveau à Paris. Leur objectif : déterminer où se situe, dans notre cerveau, le siège de la prise de décision de remettre quelques chose à plus tard.
Cortex cingulaire antérieur et échéance
Les scientifiques ont combiné plusieurs méthodes : ils ont notamment fait passer divers tests à une cinquantaine de participants tout en mesurant leur activité cérébrale par IRM. Exemple de tests : attribuer une valeur à des récompenses puis à des efforts, choisir entre obtenir une petite récompense immédiatement ou une grande récompense plus tard, choisir entre effectuer un petit effort tout de suite ou un effort plus important plus tard…
A l’IRM, il est apparu qu’une zone en particulier était activée lors de la prise de décision des participants : le cortex cingulaire antérieur, qui a donc pour rôle d’effectuer un calcul coût-bénéfice en intégrant les coûts (efforts) et les bénéfices (récompenses) associés à chaque option. L’imagerie fonctionnelle et une autre série de tests ont également servi à construire un modèle mathématique de « prise de décision », qui intègre la notion d’échéance. Les résultats montrent que plus celle-ci est lointaine, moins l’effort paraît coûteux… et moins la récompense paraît gratifiante.
Ainsi, illustre Raphaël Le Bouc, neurologue à l’AP-HP et l’un des auteurs de l’étude publiée dans Nature Communications, « être payé immédiatement après un travail est motivant, mais savoir qu’on sera payé un mois plus tard l’est beaucoup moins. On dit que ces variables, le coût des efforts comme la valeur des récompenses, s’atténuent avec le délai, au fur et à mesure qu’ils s’éloignent dans le futur ». Pour le chercheur Inserm Mathias Pessiglione, l’autre auteur de l’étude, la procrastination serait finalement liée à « l’impact du délai sur l’évaluation des tâches exigeant un effort ». Elle pourrait tout simplement s’expliquer par « la tendance de notre cerveau à décompter plus vite les coûts que les récompenses ».