Sport de haut niveau et âge : plus de risques de blessures ?
07 juin 2024
Novak Djokovic a dû abandonner le tournoi de tennis de Roland-Garros après une blessure au ménisque médial du genou droit. Le Serbe, qui a perdu sa place numéro 1 mondial à l'issue du tournoi, doit-il sa mésaventure à son âge, 37 ans ? On a posé la question au Dr. Romain Rousseau, chirurgien orthopédique à Paris.
Touché au ménisque médial du genou droit lors de son huitième de finale contre Francisco Cerundolo, Novak Djokovic a dû déclarer forfait pour la suite de Roland-Garros. Le Serbe de 37 ans a été opéré la semaine dernière dans une clinique parisienne. La convalescence devrait le priver du tournoi de Wimbledon. Quant à sa participation aux Jeux olympiques de Paris, elle dépendra de sa récupération.
A 37 ans, la plupart des sportifs de haut niveau ont déjà pris leur retraite. Novak Djokovic, lui n’a pas l’intention de quitter le circuit tout de suite. Toutefois ne s’expose-t-il pas à un risque de blessures à répétition ? Chez les sportifs de haut niveau, l’âge contribue-t-il à la survenue d’un certain type de blessures ? « C’est très probable, selon plusieurs études », lâche, d’emblée, le Dr. Romain Rousseau, chirurgien orthopédique, traumatologue du sport, à Paris. « On observe deux types de lésions chez les sportifs. Des lésions traumatiques, qui surviennent à la suite d’une chute par exemple et il y a toutes les lésions microtraumatiques dégénératives. Ces blessures sont liées à l’accumulation des heures d’entraînement, des heures de compétition, de la sursollicitation permanente. Elles entraînent un vieillissement prématuré des articulations, surtout chez les sportifs de ce niveau donc. »
Des blessures après un traumatisme parfois banal
Bien sûr l’activité physique est bénéfique pour la santé. Mais à une certaine dose et notamment si cette sursollicitation dure de nombreuses années, des lésions microtraumatiques dégénératives apparaissent. « Il y a deux types de lésions méniscales, poursuit le chirurgien. Les lésions méniscales traumatiques qui surviennent à la suite d’un accident, comme les déchirures méniscales en anse de seau qui bloque l’articulation du genou. Ou des lésions méniscales dégénératives d’usure. On observe alors une progressivité dans la lésion, une fragilité qui s’installe. Le ménisque est de plus en plus en souffrance avec des lésions qui durent dans le temps. Alors, un traumatisme assez banal, ou simplement un mauvais appui, entraîne une décompensation de cette lésion qui devient alors très symptomatique ».
Difficile d’affirmer que c’est bien ce qui est arrivé à Novak Djokovic sans consulter son dossier mais « très souvent à 37 ans, sur le court, la lésion méniscale est d’abord dégénérative d’usure. Un fragment méniscal vient irriter l’articulation en permanence et est à l’origine de douleurs ».
En fonction du sport pratiqué à haute intensité, ces douleurs peuvent survenir sur différentes articulations, les plus sollicitées. Dans le tennis, les genoux des sportifs peuvent être en effet fragilisés.
Une chance de voir Djokovic aux JO de Paris
Peut-on aussi imaginer, qu’à 37 ans, la blessure de Novak Djokovic pourrait être liée à l’ostéoporose ? C’est une piste que Romain Rousseau écarte. « Au contraire, l’os a plutôt une bonne densité du fait de la sursollicitation. En revanche, l’arthrose, une usure prématurée du cartilage par des mouvements articulaires répétés et traumatiques peut survenir plus précocement chez les sportifs de haut niveau. Le vieillissement tissulaire peut aussi probablement être lié à l’âge avec une baisse de la capacité de production du collagène par l’organisme. Mais cela reste à démontrer et la musculature des athlètes limite généralement les contraintes et protègent leurs articulations ». Ainsi plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour comprendre la survenue d’une blessure.
Quant à la récupération là aussi, l’âge peut être impliqué, dans le bon sens comme dans le mauvais. « On sait que la survenue d’une lésion importante dans la carrière est souvent mieux tolérée avec une récupération plus rapide lorsqu’on est plus jeune et en début de carrière. Avec l’âge le temps de récupération est parfois plus long à cause notamment des lésions sous-jacentes. L’inflammation et la douleur résiduelle entraînent une immobilisation plus longue alors que les jeunes sportifs présentent moins de microlésions et leur capacité de régénération tissulaire est souvent plus courte », commente le médecin.
Là où les sportifs plus âgés sont gagnants, c’est sur la connaissance de leur corps. « Ils peuvent récupérer plus rapidement après une intervention parce qu’ils savent gérer les contraintes et adapter leur corps à ces contraintes, ce qui leur permet d’optimiser cette récupération ». Est-ce que cela signifie qu’on verra Novak Djokovic sur les courts de tennis des Jeux olympiques de Paris cet été ? « Tout va dépendre de l’importance de la lésion qui a été traitée, de l’état de l’articulation dans sa globalité et du geste chirurgical réalisé. Il est possible de reprendre un mois seulement après une chirurgie du ménisque – sûrement une arthroscopie – , comme il faut parfois patienter six mois », conclut notre expert.