











© Rido-shutterstock.com
L’enseignement est reconnu comme une profession exigeante. Malgré une reconnaissance croissante du stress et de l’épuisement émotionnel subis par les enseignants, peu de recherches ont examiné le lien entre ces expériences et la santé mentale. Une étude menée à l’Université de Nouvelle Galles du Sud (UNSW Sydney) et publiée dans la revue Social Psychology of Education vise à combler cette lacune en identifiant les niveaux actuels de dépression, d’anxiété et de stress chez les enseignants australiens (près de 5 000 enseignants du primaire et du secondaire). Les chercheurs ont aussi examiné dans quelle mesure la charge de travail, une source de stress fréquemment citée, était associée à leur santé mentale et à leurs intentions de quitter la profession.
Neuf enseignants australiens sur dix déclarent souffrir d’un stress sévère et près de 70 % jugent leur charge de travail ingérable. 87 % rapportent un stress allant de modéré à extrêmement sévère et plus des deux tiers présentent des symptômes comparables à la dépression et l’anxiété (selon le test psychologique DASS). Les chiffres relatifs à ces deux derniers troubles sont plus du double voire trois fois les moyennes nationales.
« Ce n’est pas seulement une question de bien-être, c’est une question de maintien de la profession, commente la chercheuse principale, Helena Granziera (School of Education, Kensington). Nos résultats montrent que les enseignants connaissent des symptômes de mal être bien plus fréquents que dans la population générale, directement liés à leur charge de travail et à leur intention de quitter l’enseignement. »
Ceux qui jugent la charge de travail ingérable présentent beaucoup plus souvent des symptômes dépressifs, associés à une forte intention d’abandonner le métier. Ils disent se sentir submergés, non pas par l’enseignement en soi, mais par la multiplication des tâches périphériques (obligations administratives, procédures de conformité, collecte excessive de données) qui réduisent le temps consacré à la préparation des cours et à la relation avec les élèves. Cette situation alimente l’épuisement professionnel et un sentiment de désillusion. Les chercheurs soulignent que la mauvaise santé mentale, en particulier la dépression, est un prédicteur important de ces intentions de départ.
Bien que cette enquête ait été menée en ligne et repose donc sur du déclaratif de la part d’enseignants spontanément volontaires pour y répondre, elle souligne la nécessité d’améliorer les conditions de travail des enseignants et de reconnaître et corriger les niveaux importants de mauvaise santé mentale au sein de cette population.
Dans ses conclusions, l’équipe de recherche australienne recommande de réduire les tâches non essentielles et de simplifier les procédures administratives, un suivi systématique du bien-être et de la charge de travail dans les établissements, des investissements dans des programmes numériques de soutien psychologique, ainsi que des mesures à l’échelle du système éducatif pour limiter l’épuisement professionnel et renforcer la fidélisation au métier.
Les chiffres d’une enquête déclarative menée en 2019 par le SNES-FSU étaient sans équivoque : 73 % des personnels éducatifs du second degré en France avaient déclaré une dégradation de leur état de santé.
En 2022, d’après les premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire, « les enseignants du public et du privé sous contrat, tous degrés confondus, ont une satisfaction professionnelle inférieure à la moyenne des Français en emploi », soulignait Laurence Bergugnat membre de la chaire santé au travail (université de Bordeaux) interrogée début 2025 par l’Autonome de Solidarité Laïque. Ces personnels l’évaluent à 6 sur 10 contre 7,2 pour les Français en emploi.
Le 10e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (Buenos Aires, Argentine), avait acté en août 2024 une forte corrélation entre le bien-être des enseignants, la satisfaction, le bien-être et la réussite des élèves ; et le fait que ce bien-être des enseignants est mis à mal par des classes surchargées et dont la composition (défis et difficultés rencontrés par les élèves) complexifie leur travail.
« La santé mentale des enseignants est intimement liée à celle des élèves, mais aussi à leurs résultats scolaires, rappelle Helena Granziera. Améliorer le bien-être des enseignants doit devenir une priorité politique, non seulement pour eux, mais pour l’ensemble du système éducatif. »
Source : Granziera, H., J. Collie, R., Roberts, A. et al. Teachers’ workload, turnover intentions, and mental health: perspectives of Australian teachers. Soc Psychol Educ 28, 149 (2025) ; L’internationale de l’Éducation (consulté le 27/08/25) ; Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire Note d'Information n° 22.31, octobre 2022 ; La santé au travail des enseignants : un métier sous tension Mis à jour le 07/02/2025.
Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet