Troubles alimentaires : le baclofène mal prescrit ?

05 janvier 2015

Plusieurs cas d’utilisations inadaptées de baclofène ont été relevés par l’Agence nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). Ce myorelaxant – indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques – aurait été prescrit dans le cadre de troubles du comportement alimentaire et de régimes amincissants. Des effets indésirables graves ont été signalés. Quels risques entraînent ce mésusage ? Les précisions du Pr Bernard Granger, psychiatre, psychothérapeute et responsable du service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier à Paris.

Le baclofène est indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques (SEP), mais aussi dans la prise en charge de certaines maladies de la moelle épinière. Et voilà presque un an que cette molécule a bénéficié d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour être délivrée dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance. « La prescription de baclofène dans (…) toute autre situation est formellement déconseillée », a déclaré l’ANSM le 22 décembre 2014, date à laquelle des dérives ont été rendues publiques.

 « Pas un coupe-faim »

Le baclofène aurait en effet été délivré hors AMM dans le cadre de régimes amincissants et/ou de troubles du comportement alimentaire. Certes« son efficacité dans la prise en charge de troubles tels que la boulimie a été observé de manière très individuelle chez certains patients. Certains travaux indiquent qu’il pourrait agir sur les structures de la récompense et du plaisir, impliquées dans les conduites addictives », explique le Pr Granger. Pour autant, « rien ne prouve que le baclofène ait un effet sur la dépendance et l’appétence aux aliments comme c’est le cas avec l’alcool. En tout cas, ce n’est pas un coupe-faim. »

Les effets sur l’organisme 

A ce jour, l’ANSM n’a pas communiqué sur les effets déclarés chez ces patients. Mais quelle que soit son indication, le baclofène engendre les mêmes effets indésirables. Lesquels « correspondent à des troubles neurologiques, psychiatriques et gastro-intestinaux », rapportait l’ANSM dans un rapport de 2013. D’autres effets moins graves sont aussi liés à la prise de cette molécule : des troubles sensoriels et sensitifs, une xérostomie (sécheresse buccale), des insomnies, une sudation excessive…

Aujourd’hui, le nombre de patients sous baclofène dans le cadre d’un régime amincissant n’est pas connu. Sont-ils vraiment nombreux à en prendre dans le but de perdre du poids ? « Il est plus probable que certains patients souhaitent l’essayer pour traiter leur boulimie, les autres traitements s’étant révélés inefficaces », estime le Pr Granger.

  • Source : Interview du Dr Bernard Granger, psychiatre et psychothérapeute et directeur du service psychiatrie de l’hôpital Tarnier, le 5 janvier 2015

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon et Vincent Roche

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