Turbulences aériennes : transformé « en projectile » ou totalement désorienté, quels effets sur le corps ?
22 mai 2024
Des turbulences sévères subies par un vol de la Singapore Airlines sont à l’origine du décès d’un passager britannique de 73 ans ce mardi. Des dizaines d’autres ont été blessés. Comment le corps réagit-il aux turbulences, en fonction de leur sévérité ?
Mardi 21 mai, un vol de la Singapore Airlines qui reliait Londres à Singapour a été dérouté vers Bangkok après avoir subi de sévères turbulences. Le bilan est lourd. Un Britannique de 73 ans est décédé, et 20 personnes étaient toujours en soins intensifs ce mercredi – victimes de choc à la tête pour la plupart. L’avion transportait 211 passagers et 18 membres d’équipage.
Selon les données du vol, l’appareil aurait été secoué par de fortes turbulences. La compagnie confirme que l’avion a subi des turbulences extrêmes et soudaines alors qu’il survolait la Birmanie, à 11 000 mètres d’altitude, 10 heures après son départ.
Déjà très secoué de haut en bas, l’aéronef aurait aussi chuté de 1 900 mètres en trois minutes. « Soudain, l’avion a commencé à s’incliner et il y avait des tremblements, alors j’ai commencé à me préparer à ce qui se passait, et très soudainement, il y a eu une chute très intense, donc tout le monde assis et ne portant pas de ceinture de sécurité a été immédiatement projeté au plafond », a expliqué un passager du vol à l’agence de presse Reuters.
A quoi sont dues les turbulences ?
La turbulence est un mouvement d’air instable, provoqué par les flux d’air chauds ou froid, les changements de vitesse et direction des vents ou des orages. On peut distinguer quatre types de turbulences :
- légères : petites modifications aléatoires de cap, d’imperceptibles à négligeables ;
- modérées : modifications plus importantes du cap avec le ressenti de secousses ;
- sévères : modifications brusques d’altitude ;
- extrêmes : perte totale du contrôle de l’appareil.
Quelles conséquences dans la cabine ?
Comme pour les passagers du vol de la Singapore Airlines, les turbulences peuvent projeter les individus et provoquer des fractures et traumatismes. Le meilleur moyen d’éviter les blessures ? Garder sa ceinture de sécurité sur toute la durée du vol. Sinon ? « En cas de turbulences sévères, le mouvement vertical de l’avion peut dépasser l’attraction gravitationnelle », a expliqué au New York Times le Dr Paul Williams, professeur de sciences atmosphériques à l’université de Reading en Angleterre. « Cela signifie que si vous ne portez pas votre ceinture de sécurité, par définition, vous deviendrez un projectile, vous serez catapulté, vous vous soulèverez de votre siège ».
Un phénomène illustré par le blog peuravion.fr : « une turbulence de quelques dizaines de centimètres vers le haut peut provoquer une sensation de descente beaucoup plus importante : notre corps nous ment. En voiture, si vous prenez un dos d’âne de 20 cm à 100km/h, il est probable que vous vous cogniez au plafond. Alors imaginez cette même bosse de 20cm mais prise à 800 km/h : elle peut faire tomber les passagers ».
Le cerveau désorienté
Pour ce qui est des turbulences moins sévères, elles peuvent toutefois largement désorienter les voyageurs. Dans un article publié sur le site The Conversation, Adam Taylor, professeur et directeur du centre d’apprentissage d’anatomie clinique à l’université de Lancaster (Angleterre), décrit ce qui se passe dans le corps lors de turbulences. Selon lui, l’oreille interne ne parvient plus à fonctionner normalement, ce qui est à l’origine d’une confusion spatiale. « Tous ces appareils (contenus dans l’oreille interne, ndlr) utilisent des cellules ciliées microscopiques dans un fluide spécialisé appelé endolymphe qui circule avec la tête pour créer une sensation de mouvement. Lorsque l’avion rencontre des turbulences, ce fluide se déplace, mais de manière imprévisible. Il faut environ dix à vingt secondes au liquide pour recalibrer sa position, tandis que le cerveau a du mal à comprendre ce qui se passe, décrit l’expert. Lorsque l’avion rencontre des turbulences, l’appareil de l’équilibre ne peut pas distinguer le mouvement de l’avion de celui de la tête, de sorte que le cerveau interprète le mouvement de l’avion comme celui de la tête ou du corps. Mais cela ne correspond pas aux informations visuelles reçues, ce qui provoque une confusion sensorielle ».
En effet, dans un avion, notre vision se heurte à l’arrière d’une têtière ; la vue est pourtant l’outil sensoriel essentiel pour se positionner dans l’espace. L’oreille interne devient le message sensoriel dominant du cerveau, en décalage total avec la vue. Résultat ? Le mal des transports qui engendre étourdissements, sueurs et symptômes gastrointestinaux.
Comment atténuer les effets des turbulences ?
Adam Taylor souligne qu’être assis sur un siège vers l’avant de l’appareil ou au-dessus de l’aile peut réduire les effets des turbulences. De même que pouvoir regarder par la fenêtre aide le cerveau à comprendre, grâce aux informations visuelles, sa réelle situation. Il conseille en outre de se concentrer sur sa respiration et de ne pas consommer d’alcool. Selon lui, certains médicaments peuvent aider.
Adam Taylor décrit également une augmentation de la fréquence cardiaque, déjà plus élevée qu’au sol en raison d’une diminution de la saturation en oxygène. Une précision qui pourrait expliquer le décès du passager britannique, a priori d’une crise cardiaque, d’après divers médias.
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Source : peuravion.fr , The conversation, The New York Times
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Ecrit par : Dorothée Duchemin - Edité par Emmanuel Ducreuzet