Vincent Lambert : comprendre l’état végétatif chronique

22 novembre 2018

Selon l’expertise médicale, Vincent Lambert, patient maintenu artificiellement en vie depuis 10 ans, est dans un état végétatif chronique irréversible. Comment se traduit cette situation ? Que dit la loi française sur l’arrêt des soins ? Les précisions du Pr Vincent Degos, anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris).

Les 3 médecins mandatés par la justice* dans l’affaire Vincent Lambert le confirment dans leur expertise datée du 18 novembre : le patient âgé de 42 ans, maintenu artificiellement en vie depuis 10 ans après un grave accident de voiture se trouve dans « un état végétatif chronique (…) Il est dans un état d’incapacité fonctionnelle psycho-motrice totale en 2018 comparable cliniquement à celui enregistré en 2014 ». Une information relayée ce jeudi 22 novembre par l’Agence France Presse. Aucune expertise n’avait été menée depuis 2014, date à partir de laquelle le désaccord familial autour de la poursuite des soins de Vincent Lambert a défrayé la chronique.

Aucune réponse consciente

En fait, « l’état végétatif chronique correspond à un syndrome d’éveil non répondant », précise le Pr Vincent Degos, anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (APHP, Paris). « Le patient présente alors un éveil spontané, le cycle jour-nuit existe encore, le patient ouvre les yeux, il peut faire des mouvements mais sans être en capacité de réponse consciente. En pratique, il n’intègre pas de signaux de l’environnement pour pouvoir adapter une réponse ». Un exemple ? « Si l’on demande au patient de fermer les yeux, il ne le fera pas à la demande. En revanche, spontanément il pourra cligner des yeux. Différents tests permettent dans ce cas de confirmer l’absence de perception, de stimulation sensorielle. »

En revanche, dans l’état pauci-relationnel, « il existe des petites réponses à l’environnement, des soubresauts associés à un état de conscience minimal. Mais lorsque les patients passent de cette situation à l’état végétatif chronique, en général, ils ne remontent pas la pente ».

« Une lune de miel de l’état neurologique »

Comment alors expliquer cette confusion entre l’état pauci-relationnel et l’état végétatif chronique ? « Dans les suites d’une lésion cérébrale traumatique ou vasculaire lourde, l’état neurologique après la réanimation se stabilise. Il y a ensuite une stabilisation, la lune de miel de l’état neurologique qui va ensuite se dégrader. Des lésions dégénératives se rajoutent et aggravent dans ce cas l’état neurologique .»

Dans le cas de Vincent Lambert, le Pr Degos « ne peut évidemment pas se prononcer. Mais l’impact des lésions tertiaires, celles survenues après les lésions primaires** et secondaires***, ont pu entraver le pronostic avec de nouveaux handicaps ». A terme, les spécialistes comparent « cet état à une maladie neurodégénérative rapide ».

Cette expertise constitue une étape indispensable pour un arrêt éventuel des soins. C’est-à-dire la mise en place éventuelle d’un accompagnement, d’une sédation profonde et continue comme le permet actuellement la loi Leonetti Clayes du 2 février 2016. Cette dernière autorise en effet de délivrer « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie ». Et ce lorsque « le patient [est] atteint d’une affection grave et incurable, présente une souffrance réfractaire au traitement et que son pronostic vital est engagé à court terme ».

La fin de vie, une décision purement médicale

La loi du 2 février 2016 prévoit aussi la mise en place d’une procédure collégiale d’arrêt des traitements pour se prononcer sur les processus de fin de vie. « Dans ces situations, les médecins sont les seuls à faire le choix d’arrêter les traitements », atteste à ce sujet le Pr Degos. « Et l’arsenal législatif en France nous permet aujourd’hui de répondre à ces fins de vie accompagnées. »

L’affaire Vincent Lambert a été médiatisée en très grande partie par le conflit familial qu’elle génère. « Mais il faut savoir qu’en France, 500 à 1 000 patients sont actuellement dans un état pauci-relationnel ou végétatif chronique. » Au regard des multiples allers-retours du dossier Lambert dans les sphères judiciaires et médicales, « on peut inciter les Français à se sensibiliser au handicap, mais aussi à partager leur position individuelle sur la fin de vie avec leurs proches, à écrire leurs directives anticipées » pour ne pas laisser de familles désemparées face à ces situations extrêmement délicates, et faciliter les prises de décision par le corps médical.

*par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne
**celles de l’accident
***celles liées à la réanimation

  • Source : Interview du Pr Vincent Degos, anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Assistance publique des hôpitaux de Paris, APHP), le 22 novembre 2018

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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