Les violences empêchent les enfants de grandir
20 novembre 2017
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Séquelles physiques, maladies, retard dans le développement ou encore souffrance mentale… Les violences envers les enfants ont des conséquences graves. Une Journée universitaire de pédiatrie médico-légale a réuni ce vendredi 17 novembre 600 professionnels de la protection de l’enfance à Nantes pour évoquer cette thématique. A l’occasion de la journée mondiale des droits de l’enfant, son objectif, mettre à jour les connaissances concernant les conséquences de ces actes sur la santé des plus jeunes. Mais aussi améliorer le dépistage et la prévention. Le point avec le Dr Nathalie Vabres, pédiatre au CHU de Nantes.
« Ce qui ne tue pas rend plus fort. » Cet adage est « une énorme fumisterie », selon le Dr Nathalie Vabres. Bien au contraire, les violences envers les enfants, qu’elles soient physiques, psychologiques et/sexuelles, ont des conséquences graves sur leur santé à long terme. Les victimes ont davantage de risque de développer des maladies cardiovasculaires, des cancers, d’éprouver un retard du développement cognitif et/ou sensoriel. « Ces enfants ont parfois des séquelles physiques, mais aussi des difficultés à grandir ou à grossir », précise la pédiatre de l’unité d’accueil des enfants en danger du CHU de Nantes. « Ils ont un retard d’acquisition intellectuel, du langage et présentent de nombreuses conduites à risque comme des addictions ou des scarifications. »
Les compétences sociales sont elles aussi impactées. « Victimes des violences conjugales de leurs parents, les enfants ne parviennent pas à mettre en œuvre la négociation et se retrouvent à reproduire des actes violents envers les autres », ajoute-t-elle. Et les difficultés se font ressentir fortement à l’école. « Sauf exception, la plupart de ces jeunes éprouvent des retards scolaires car ils se trouvent en permanence en reviviscence des scènes vécues », explique le Dr Vabres.
Ces conséquences sont de plus en plus expliquées par la science. Ainsi, « les hormones du stress qui sont au plafond en permanence ont un impact très fort chez des enfants en pleine croissance », poursuit-elle. D’autant que l’hormone de croissance, elle, est produite essentiellement au cours de la nuit. Or « si l’enfant ne dort pas en raison de son état d’angoisse, les séquelles à long terme sur la santé sont importantes ».
Dépister et mettre à l’abri
Au CHU de Nantes, l’unité d’accueil des enfants en danger est spécialement destinée à repérer les victimes et les prendre en charge. « Nous avons une salle protégée dans laquelle les enfants ne risquent pas de croiser des auteurs présumés de violences, comme c’est le cas dans un commissariat », explique Nathalie Vabres. Cette organisation qui permet l’audition filmée est en œuvre depuis 2010 en accord avec l’ARS des Pays de la Loire et le conseil départemental de Loire Atlantique. Ce qui les empêche de revivre plusieurs fois les violences subies. Au cœur de la pédiatrie, « les victimes redeviennent des enfants, mais aussi des sujets de ce qui leur arrive ». Les recevoir dans un lieu de soins « limite les séquelles à distance et le surtraumatisme ».
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Après le dépistage, la prise en charge n’est pas toujours facile. Par manque de moyens souvent, comme c’est le cas en termes de lits en pédopsychiatrie dans le département de Loire Atlantique qui en dispose de 12. Mais « le fait d’être cru, et reconnu représente déjà un soin », assure le Dr Vabres. Et plus cette reconnaissance est précoce, « plus on a de chances de réduire les séquelles ».
Prévenir par la bienveillance
Dépister au mieux les violences. L’objectif est affiché. « Nous devons tous être concernés », souligne Nathalie Vabres. Et cette injonction va bien plus loin. « La lutte contre les violences faites aux enfants débute dans l’éducation. » Ainsi, « chacun doit-il agir avec bienveillance, parfois contradictoire avoir l’éducation que les adultes ont eux-mêmes reçue », admet-elle.
Or, « on peut tout à fait éduquer un enfant sans être dans la violence », détaille-t-elle. « L’enfant n’est pas un être inférieur qu’on doit dominer. Malheureusement, beaucoup de parents pensent en toute bonne foi que les petits doivent juste obéir, et que les punitions physiques sont nécessaires pour qu’ils grandissent ».
A noter : « la majorité des enfants victimes de violences ne sont pas eux-mêmes violents avec leurs propres enfants », tient à rassurer le Dr Vabres.
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Source : CHU de Nantes, 16 novembre 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet