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Le Salon international de l’aéronautique et de l’Espace a ouvert ses portes lundi 16 juin au Bourget (Saint-Saint-Denis). Cette année, un hall est entièrement dédié à l’écosystème spatial, 2 500 m2 baptisé Paris Space Hub. A cette occasion, Destination Santé s’est penché sur les effets des vols spatiaux sur le corps humain avec l’expertise de Guillemette Gauquelin-Koch, responsable des sciences de la vie au Centre national d’études spatiales (CNES). Si les 11 minutes de vol de Katy Perry dans l’espace n’ont entraîné aucune conséquence sur son organisme, qu’en est-il des mois passés dans l’espace par les astronautes ?
Quand l’astronaute part dans l’espace, il rentre en microgravité après avoir parcouru 100 km depuis la terre. Là, les effets de la pesanteur ont pratiquement disparu mais pas totalement. Il subsiste en effet à l’intérieur des vaisseaux spatiaux en mouvement orbital, une très faible pesanteur résiduelle. Le premier effet ? « Tout le sang de la partie inférieure du corps remonte dans la partie supérieure », explique Guillemette Gauquelin-Koch.
Le cœur doit alors gérer un volume de sang largement supérieur à celui sur terre. Cela entraîne une dilatation du cœur et une augmentation du débit cardiaque qui finit par passer, le corps réussissant à s’adapter en provoquant une diminution du volume plasmatique. « Mais de retour sur terre, en étant exposé brutalement à la gravité, les astronautes subissent une hypotension orthostatique – une chute de tension en position debout – car le système cardiovasculaire a désappris à lutter contre la gravité », précise la spécialiste.
Les astronautes entrent ensuite dans la station et là surviennent des problèmes de perception. « Ils arrivent dans un lieu où ils ne peuvent pas marcher. Or les jambes sont impliquées dans la perception que nous avons de l’espace et là, elles ne sont plus utiles. Et surtout le système vestibulaire est immédiatement perturbé. Cette perturbation est responsable notamment du mal de l’espace », poursuit l’experte. Les symptômes qui touchent de très nombreux astronautes sont des nausées, vomissements, vertiges, fatigues, maux de tête et troubles de l’équilibre. Ils s’estompent après quelques jours voire une semaine.
À long terme, l’effet majeur est le vieillissement accéléré. « Parce que 2 heures par jour sur un tapis roulant, ce n’est pas suffisant ! Le corps des astronautes vieillit prématurément à cause de l’absence d’exercice physique ! ». Cela provoque des modifications aux niveaux osseux, musculaire et métabolique et cardiaque. « On s’est rendu compte que chez les astronautes, les lipides sont stockés dans des endroits où il ne devrait pas l’être ». La microgravité et le manque d’activité favorisent le dépôt des lipides dans des organes non prévus pour cela, dans le foie, les muscles. Cette modification du stockage des graisses peut être responsable d’obésité, de diabète de type 2, d’un foie gras… « Mais il faut bien savoir que cela est réversible. Une fois qu’il rentre sur terre, un astronaute pourra se remettre d’aplomb assez rapidement », poursuit Guillemette Gauquelin-Koch.
Autre conséquence du voyage dans l’espace, le syndrome SANS pour Spaceflight associated neuro-ocular syndrom, en français syndrome neuro-oculaire associé au vol spatial. « Les astronautes déclarent voir moins bien de retour de vol. Cela serait dû à une accumulation de liquide céphalorachidien dans la partie supérieure du corps et une augmentation de la pression oculaire. »
Un affaiblissement du système immunitaire est également observé chez les astronautes. « Dans l’espace, l’isolement reste malgré tout un facteur de stress important. Et on sait que le stress chronique peut influencer les défenses immunitaires, de même que l’inactivité. Les rythmes circadiens sont aussi largement mis à mal et le sommeil avec lui. Tourner autour de la Terre, c’est 45 minutes de nuit / 45 minutes de jour. Ce stress, peut-être que les astronautes ne le perçoivent pas, mais les organismes si ».
« Tant qu’il s’agit de vol de 6 mois à 1 an, les astronautes peuvent assumer. Ils sont entraînés pour cela et récupèrent ensuite rapidement. On s’est toutefois rendu compte que pour les os, la récupération est sans doute plus compliquée. Ainsi après un vol de 6 mois, la densité osseuse n’est toujours pas revenue 18 mois après. Ce qui peut provoquer des fractures ou des calculs rénaux, car le calcium doit bien être évacué par les urines ». Il faudra réussir à trouver une solution pour contrer la perte osseuse pour qu’un voyage sur Mars soit envisagé.
Pour Guillemette Gauquelin-Koch, d’un point de vue strictement humain, outre la perte osseuse, le volet psychologique et la radioactivité restent les obstacles majeurs à l’aventure martienne. « Aller sur Mars, c’est au moins 8 mois de vol aller, sans la Terre en point de mire et avec les télécommunications qui ne sont plus aussi efficaces, 15 minutes pour envoyer une question, 15 minutes pour envoyer la réponse. Les astronautes devront savoir tout faire sans jamais pouvoir s’appuyer sur la Terre. Quant au niveau de rayonnement, il sera bien plus élevé que lors des voyages sur l’ISS ». Actuellement, les astronautes ne seraient pas affectés par les doses de rayonnement.
Source : Interview de Guillemette Gauquelin-Koch
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par : Vincent Roche