Allergies alimentaires : qui sont les enfants à risque ?
27 juin 2024
Lait, œuf, arachide, fruits à coque, poisson, mollusques et crustacés sont les aliments les plus fréquemment impliqués dans les allergies alimentaires chez les enfants. En constante augmentation, celles-ci concerneraient près de 6 % des moins de 15 ans, contre 2 % il y a 20 ans*. Comment expliquer cette hausse des allergies alimentaires ? Peut-on les prévenir ? A l’occasion de la semaine mondiale de l’allergie, du 24 au 29 juin, on fait le point avec Guillaume Lezmi, pédiatre allergologue à l’hôpital Necker-enfants malades (Paris).
Qu’est-ce qu’une allergie alimentaire ?
Dr. Guillaume Lezmi : Les allergies alimentaires sont des réactions d’hypersensibilité à des aliments, provoquées par des mécanismes immunologiques. On distingue les allergies immédiates et les allergies retardées. Les allergies immédiates surviennent dans les 2 heures qui suivent la consommation de l’aliment. Elles sont provoquées par des anticorps allergisants appelés IgE, développés contre les aliments (on parle d’allergies IgE-médiées). Les allergies retardées surviennent dans les heures qui suivent le contact avec l’allergène. Elles ne sont pas provoquées par les IgE et sont responsables de symptômes chroniques variables comme les troubles du transit (par exemple les diarrhées chroniques), le retard de croissance, les ballonnements, etc.
Quels sont les symptômes des allergies immédiates ?
Les symptômes les plus fréquents sont les atteintes cutanéo-muqueuses comme l’urticaire, l’œdème (gonflement), le prurit (sensation de grattage), la rhino-conjonctivite allergique. Les symptômes peuvent être sévères voire fatals en cas d’anaphylaxie, avec détresse respiratoire par bronchospasme ou œdème laryngé (œdème de Quincke), malaises, choc anaphylactique.
Quelle est la conduite à tenir en cas de signes allergiques après l’exposition à un aliment ?
Les réactions légères cutanéo-muqueuses se traitent avec des antihistaminiques par voie orale. En revanche, les réactions les plus sévères exigent une, rarement plusieurs, injections d’adrénaline par voie intra-musculaire et une prise en charge médicale urgente. Au décours de la réaction, il faut bien sûr stopper toute consommation de l’aliment suspect et consulter un spécialiste. L’allergologue confirme le diagnostic en se fondant sur l’histoire clinique du patient et la mise en évidence d’anticorps dirigés contre l’allergène suspecté grâce à des tests cutanés (Prick-tests), ou le dosage d’anticorps spécifiques dans le sang. Les allergies non IgE-médiées (au lait ou au blé, essentiellement) sont parfois plus difficiles à diagnostiquer car leurs manifestations sont non-spécifiques et il n’existe pas de tests fiables pour les diagnostiquer.
Quels sont les facteurs de risque de survenue d’une allergie alimentaire chez l’enfant ?
Les allergies alimentaires peuvent survenir en l’absence de tout facteur de risque. Mais le facteur de risque principal des allergies IgE-médiées est le fait de souffrir d’une dermatite atopique sévère. Environ 20 à 30 % des enfants ayant une dermatite atopique sévère présentent des allergies alimentaires. Il existe probablement aussi un léger surrisque chez les enfants de parents allergiques.
Peut-on prévenir la survenue des allergies alimentaires chez les enfants ?
Il est aujourd’hui montré que la consommation précoce lors de la diversification, dès l’âge de 4-5 mois, de cacahuètes, fruits à coque et d’œufs prévient l’allergie à ces aliments. Ces recommandations s’appliquent aux enfants les plus à risque (ayant une dermatite atopique sévère) mais aussi en population générale, car certains enfants sans aucun facteur de risque peuvent développer une allergie.
Pourquoi les allergies alimentaires sont-elles en nette augmentation ces dernières années ?
On ne sait pas exactement mais plusieurs pistes sont avancées. La première hypothèse est celle dite hygiéniste : dans les pays riches, le système immunitaire, en particulier dans la petite enfance, est de moins en moins exposé aux infections (lait stérilisé, vaccins, eau propre…). Celui-ci développerait alors des réponses exagérées contre des substances de l’environnement responsables d’allergies.
On a aussi compris qu’on pouvait se sensibiliser aux protéines alimentaires – fabriquer des anticorps contre ces protéines – en y étant exposé par la peau. Si la peau est plus perméable, comme dans la dermatite atopique, les protéines de l’environnement peuvent alors passer à travers et induire la production d’anticorps de type IgE. Le fait pour un enfant d’être exposé à un aliment par voie cutanée, pro-allergisante, avant la voie orale plus tolérogène, pourrait expliquer l’apparition des allergies. D’où le fait que la dermatite atopique sévère soit un facteur de risque majeur. Les enfants sont très exposés, par leur peau, aux poussières de maison que l’on retrouve dans leur lit, sur les sols, les fauteuils. Or, ces poussières contiennent des quantités significatives de protéines alimentaires et d’autres allergènes.
*Selon Séverine Fernandez, présidente du Syndicat français des allergologues, interrogée sur Franceinfo.
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Source : Interview du Dr. Guillaume Lezmi, juin 2024
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet