Alzheimer : les commotions cérébrales réactivent des virus dormants, responsables de la maladie  

13 janvier 2025

C’est une réaction en chaîne qui a été mise en lumière par une équipe de chercheurs. Les commotions cérébrales à répétition, comme en subissent les joueurs de football ou les boxeurs, sont susceptibles de réactiver des virus dormants, comme le virus herpes simplex de type 1 (HSV-1). Réveillé, celui-ci va alors déclencher les marqueurs cérébraux de la maladie d’Alzheimer.

Le football, le rugby, la boxe… Le lien entre les maladies neurodégénératives et les commotions cérébrales et traumatismes crâniens répétés dans ces sports est aujourd’hui bien documenté. Une récente étude, menée par des chercheurs des universités de Oxford et de Tufts et publiée dans la revue Science Signaling, suggère que les virus dormants de notre microbiome pourraient y jouer un rôle.

Concrètement, les scientifiques ont découvert par quels mécanismes ces événements traumatiques pourraient conduire à l’émergence de la maladie d’Alzheimer : les virus dormants, réactivés par les secousses, entraîneraient une inflammation et un enchainement de lésions et dommages similaires à ceux provoqués par Alzheimer.

Plusieurs études ont déjà mis en lumière le rôle joué par le virus de l’herpès simplex de type 1 (HSV-1), soit le virus de l’herpès labial dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Ce virus présent dans le microbiome de la majorité de la population est connu, selon un communiqué de l’université de Tufts, pour pénétrer dans le cerveau et demeurer inactif dans les neurones et les cellules gliales.

Des études précédentes ont montré que le HSV-1 pouvait rester dormant dans les cellules humaines pendant toute une vie. Mais s’il se réveillait, il pouvait alors entraîner des événements en chaîne similaires aux signes observés dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Ce lien avait été mis en lumière via des modèles de laboratoire de tissus cérébrales.

Comment et pourquoi le virus se réveille-t-il ?

La Pre Ruth Itzhaki, qui a participé à la présente étude, a de son côté découvert l’association entre le HSV-1 et la maladie d’Alzheimer voici plus de 30 ans. D’autres études avaient suggéré que le virus pouvait être réactivé dans le cerveau par des événements comme un stress majeur ou une immunosuppression et entraîner in fine des lésions neuronales. « Nous nous sommes demandé ce qui se passerait si nous soumettions notre modèle de tissu cérébral à une perturbation physique, quelque chose qui s’apparente à une commotion cérébrale. Le HSV-1 se réveillerait-il et déclencherait-il le processus de neurodégénérescence ? », questionne Dana Cairns, autrice principale de l’étude, chercheuse à l’université de Tufts.

Le modèle de tissu cérébral utilisé reconstitue l’environnement du cerveau avec la plus haute précision. Neurones matures, axones, extensions de dendrites, cellules gliales… tout y est. Cette réplique exacte de cerveau humain en 3D a été soumis à des coups légers répétés. Sous leurs effets, le virus HSV-1, jusque-là dormant dans certains tissus, est devenu actif. Et cette réaction a entraîné peu de temps après, dans les cellules infectées, l’apparition des marqueurs caractéristiques de la maladie d’Alzheimer – plaques amyloïdes, enchevêtrement des protéines tau, inflammation, mort des neurones et prolifération des cellules gliales (phénomène appelé gliose).

Vers un traitement préventif après un traumatisme crânien ?

« Les blessures à la tête sont déjà reconnues comme un facteur de risque majeur, tout comme l’effet cumulatif des infections courantes, pour des maladies telles que la maladie d’Alzheimer et la démence, mais c’est la première fois que nous avons pu démontrer un mécanisme pour ce processus, a commenté la Pre Itzaki. Ce que nous avons découvert, c’est que dans le modèle cérébral, ces blessures peuvent réactiver un virus dormant, le HSV1, déclenchant une inflammation qui, dans le cerveau, conduirait aux mêmes changements que nous observons chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ».

« Cela soulève la question de savoir si les médicaments antiviraux ou les agents anti-inflammatoires pourraient être utiles comme traitements préventifs précoces après un traumatisme crânien pour stopper l’activation du HSV-1 et réduire le risque de maladie d’Alzheimer », a jouté Dana Cairns. Car, outre la mise au jour du mécanisme, les chercheurs ont également découvert que le fait d’inhiber dans le modèle cérébral de laboratoire la molécule pro-inflammatoire interleukine-1 bêta (IL-1β) bloquait la réaction en chaîne.

Mais au-delà même des inquiétudes que soulèvent cette étude pour les athlètes, quid des 69 millions de personnes, victimes chaque année dans le monde d’un traumatisme crânien ?

  • Source : Université d’Oxford, Université de Tufts, Repetitive injury induces phenotypes associated with Alzheimer’s disease by reactivating HSV-1 in a human brain tissue model, Science Signaling, 7 janvier 2025

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils