Cancers : doit-on parler de guérison ou de rémission ?

22 mai 2023

En 2020, le cancer a tué près de 10 millions de personnes dans le monde. Alors que les traitements sont de plus en plus efficaces, pourra-t-on bientôt guérir tous les cancers ? Eléments de réponse.

Le cancer prend naissance dans les cellules du corps humain. La cellule est à l’origine normale mais, à un moment, elle ne se développe pas, ne se divise pas normalement ou ne meurt pas quand elle le devrait. De cette cellule prolifèrent alors de manière anarchique de plus en plus en de cellules anormales qui finissent par créer une masse appelée tumeur. « Il n’y a pas un cancer, il y a une multitude de familles et de sous-familles de cancers, ce qui signifie qu’on ne peut pas les comparer, ni donner une définition type », précise le Dr. Alain Toledano, oncologue, radiologue et fondateur de l’Institut Rafaël, centre européen de médecine intégrative. Le cancer concerne en effet un vaste ensemble de maladies, très différentes les unes des autres.

Les cancers les plus fréquents sont les cancers de la prostate, du sein, les cancers colorectaux et les cancers du poumon. Si les traitements sont de plus en plus efficaces, le cancer demeure la deuxième cause de décès dans le monde (10 millions de décès en 2020 selon l’OMS). En 2018, en France, 382 000 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués. Si certains cancers présentent encore de mauvais pronostics – pancréas, œsophage, foie – la survie à 5 ans des patients s’est largement améliorée pour d’autres : + 21 points pour le cancer de la prostate (93 %), + 11 pour le mélanome cutané (93 %), + 9 points pour le cancer du sein (88 %). Mais même avec de bons pronostics, le risque de rechute est une inconnue difficile à appréhender pour les patients.

Guérison ou rémission ?

On peut effectivement dire d’un patient qu’il est guéri de son cancer quand il a reçu un traitement, que le cancer a disparu et qu’il n’a jamais rechuté. « Mais il est toujours très compliqué en tant que médecin de s’engager sur une guérison auprès d’un patient », explique le Pr. Steven Le Gouill, hématologue, directeur de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie. En cause ? Le risque de rechute, ou récidive, même minime, qu’il est impossible de prévoir. Ce risque, s’il diminue à mesure que l’on s’éloigne de la maladie, ne disparaît jamais totalement. Il est proche de zéro, mais il ne tombe jamais à zéro.

« On peut ne plus détecter de maladie. On parle alors de rémission complète, ce qui signifie qu’il n’y a plus de cellules de maladie détectables avec les moyens dont on dispose. Dire à un patient qu’il est guéri, c’est lui dire qu’il ne rechutera jamais. On peut donc affirmer que l’on guérit de certains cancers avec les statistiques mais affirmer à un patient qu’il est guéri et ne rechutera jamais, c’est beaucoup plus compliqué », poursuit l’hématologue.

Ainsi, il peut rester une cellule cancéreuse résiduelle que la médecine (imagerie, prélèvement) ne parvient pas à détecter, car le repérage de cette cellule se situe au-delà des compétences technologiques à disposition. « Mais on repousse toujours plus loin la capacité de la médecine à détecter le moindre signe d’anomalie », affirme Steven Le Gouill.

Alors que dans l’imaginaire collectif, on pense souvent guérison après cinq ans de rémission, il n’existe pourtant aucune règle en la matière, les cancers étant tellement différents les uns des autres. « Certains cancers ont un pic de rechute à 2 – 3 ans, d’autres à 6-7 ans. Donc, on ne peut pas affirmer 5 ans après un cancer à un patient, qu’il est guéri », tranche le Dr. Toledano.

Des traitements novateurs qui permettent d’y croire ?

Les progrès thérapeutiques sont actuellement exponentiels. Les thérapies ciblées et l’immunothérapie, qui s’inscrivent dans ce qui est appelé la médecine de précision, ont permis des avancées majeures ces dernières années dans la prise en charge thérapeutique des patients.

« L’immunothérapie, les thérapies ciblées, les thérapies cellulaires, les approches combinatoires… dérivent d’une seule chose : la meilleure compréhension de la maladie. A partir du moment où on connaît son talon d’Achille, on réussit à mettre au point un traitement pour le cibler avec précision. En conséquence, les traitements sont de moins en moins toxiques pour les cellules saines à proximité », explique le Pr. Le Gouill.

En 2022, selon l’Institut national du cancer, la médecine de précision comprenait 144 médicaments : 107 molécules de thérapies ciblées et 37 immunothérapies spécifiques. Ces traitements visent une anomalie moléculaire particulière sur les cellules tumorales. Le choix du médicament dépendra donc de l’anomalie identifiée dans la tumeur. « Ce qui compte ce n’est pas l’organe où est née la tumeur mais surtout le type de cellules auquel on a affaire. Pour certains types, un médicament a été mis au point, pour d’autres, pas encore », note Alain Toledano.

Ces nouveaux traitements ne remplacent pas les traitements classiques mais viennent compléter l’arsenal thérapeutique à disposition des équipes soignantes. La chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie restent des traitements qui ont fait leurs preuves.

Dépistage : des avancées majeures

On sait en outre que pour la grande majorité des cancers, plus ils sont détectés tôt, mieux on réussit à les soigner. Alors que la plupart des outils de dépistage relèvent de l’imagerie médicale et de prélèvements invasifs, l’avènement des biopsies liquides pourraient permettre de diagnostiquer les cancers beaucoup plus tôt, via la détection dans le sang ou les urines de biomarqueurs spécifiques au cancer. Ces biomarqueurs, on les connaît de mieux en mieux, puisqu’on connaît de mieux en mieux les spécificités des cellules anormales. « Détecter dans le sang des cellules ou de l’ADN anormaux avant que la tumeur n’apparaisse, permettra de diagnostiquer beaucoup plus précocement le cancer et d’être plus efficace dans sa prise en charge », souligne le Dr. Toledano.

Enfin, avant les traitements, c’est bien la prévention qui contribuera à garder les cancers à distance. Alcool, tabac, sédentarité, exposition au soleil… 40 % des cancers sont des cancers dits « évitables ». La prévention demeurera dans les prochaines années l’une des meilleures armes contre le cancer.

  • Source : Institut national du cancer, OMS

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Charlotte David

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