Covid-19 : les ARNm, l’avenir des vaccins ?
10 juin 2021
Premier vaccin à ARN messager indiqué chez l’humain, le vaccin anti-Covid-19 développé par BioNTech et Pfizer représente une avancée majeure dans le domaine de l’immunisation. Mais il constitue également une voie d’avenir dans de nombreuses autres aires médicales, comme le cancer et les pathogènes encore inconnus. Explications.
En quelques mois à peine, un premier vaccin contre la Covid-19 a obtenu son AMM. Comment cet exploit a-t-il été possible ? « Nous avons eu de la ‘chance’ que cette pandémie survienne l’année dernière et pas il y a 10 ans », assure Sandrine Sarrazin, chercheuse au centre d’immunologie Inserm de Marseille. En effet, « nous avons bénéficié des nombreuses années de recherche dans deux domaines : celui des coronavirus et celui des vaccins à ARNm en cancérologie », précise-t-elle.
Coronavirus et cancers
Depuis 2003 et l’apparition du SARS puis du MERS, la recherche sur les coronavirus a été intense. Elle a permis d’en savoir davantage sur le mode de fonctionnement de ces virus, comment ils entrent dans la cellule, comment ils bloquent la réponse immunitaire… « C’est grâce à cette recherche que l’on sait depuis plusieurs années que la protéine spike est la bonne cible candidate pour développer un vaccin », rappelle Sandrine Sarrazin.
L’autre raison de ce développement rapide d’un vaccin anti-Covid est la connaissance scientifique en matière de vaccins à ARN messagers. Ces derniers existent déjà depuis plusieurs années, et étaient déjà utilisés en médecine vétérinaire notamment. De plus, BioNTech s’applique depuis une dizaine d’années à tester cette technologie dans les traitements d’immunothérapie contre le cancer.
Une recherche initiée contre le cancer
A l’origine de cette nouvelle technologie donc : la recherche en immunothérapie qui entreprend de stimuler notre système immunitaire pour reconnaître les cellules cancéreuses. Comme ces cellules sont nos propres cellules malades, elles ne sont pas bien reconnues comme anormales par notre système immunitaire. La principale voie de recherche consistait donc à identifier des molécules spécifiques, présentes à la surface des cellules cancéreuses, que notre système immunitaire pourrait reconnaître. « C’est exactement ce que fait le vaccin contre la Covid-19 : il indique à notre organisme à quoi ressemble la protéine spike, afin qu’il la reconnaisse et détruise le virus quand il tente de s’introduire dans nos cellules », détaille la chercheuse.
Des vaccins d’avenir ?
Cette technologie continue d’être étudiée en cancérologie et constitue une des voies d’avenir pour venir à bout des tumeurs malignes de manière personnalisée. En effet, « si l’on utilise un petit bout d’ARN qui code pour l’antigène tumoral du patient lui-même, on peut espérer être plus efficace pour détruire les cellules cancéreuses », explique Sandrine Sarrazin.
Et ce n’est pas tout : « cette méthode pourrait bénéficier à la lutte contre toutes les pathologies pour lesquelles on a besoin de stimuler le système immunitaire ». C’est le cas de nombreuses maladies infectieuses déjà connues et pour lesquelles on n’a pas de vaccin, comme le VIH ou le paludisme. Mais surtout « l’ensemble des pathogènes nouveaux qui vont émerger dans les décennies à venir. Car la communauté scientifique s’accorde sur le fait que nous sommes entrés dans une ère de pandémie », poursuit Sandrine Sarrazin. « Le SARS-CoV-2 n’est en aucun cas le dernier virus que nous aurons à combattre, car le réchauffement climatique fait fondre les glaces du permafrost et libère des virus et des bactéries qu’on n’a jamais vu, qu’on ne connaît pas et auxquels l’humanité n’a jamais été exposée. » Il faut donc espérer que la technologie des vaccins ARNm sera efficace contre ces nouveaux germes…
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Source : interview de Sandrine Sarrazin, chercheuse au centre d’immunologie Inserm de Marseille, 3 juin 2021
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet