Diabète : l’accès limité à l’Ozempic, une perte de chance pour les patients ?
11 décembre 2023
L’ANSM recommande désormais la prescription de Victoza, Ozempic et Trulicity, des analogues GLP-1 utilisés dans le traitement du diabète, aux seuls patients déjà sous traitement. « Une perte de chances pour les patients à hauts risques cardiovasculaires », regrette Jean-François Thébaut, cardiologue, vice-président de la fédération française des diabétiques.
La semaine dernière, le laboratoire Novo Nordisk a recommandé aux professionnels de santé de ne plus prescrire de nouveaux traitements avec Ozempic, analogue du GLP-1 qui occupe une place majeure dans le traitement des patients souffrant d’un diabète de type 2. Le laboratoire suspend ainsi temporairement la distribution d’Ozempic en dose d’initiation en ville et en milieu hospitalier. Il a en outre annoncé réduire la production de Victoza, analogue du GLP-1 de première génération. Trulicity, un autre analogue fabriqué par le laboratoire Lilly connaît lui aussi de fortes tensions d’approvisionnement, rapportait l’Agence national de sécurité du médicament (ANSM) vendredi 8 décembre. Ces tensions devraient durer sur toute l’année 2024 alors que les trois médicaments connaissent ces derniers mois une forte augmentation de la demande mondiale.
En conséquence, l’ANSM recommande désormais de ne plus prescrire Ozempic, Victoza ou Trulicity en initiation de traitement et de le réserver aux patients déjà sous traitement.
Le GLP-1 est une hormone intestinale qui intervient dans la régulation du glucose sanguin. Insuffisante chez les personnes qui souffrent de diabète, l’analogue du GLP-1 est un médicament injectable qui présente le double avantage d’améliorer l’équilibre glycémique et une bonne protection cardiovasculaire. « C’est grâce à ces médicaments qu’on ne meurt plus du diabète », note le Dr. Jean-François Thébaut, cardiologue, vice-président de la Fédération française des diabétiques. « On meurt des complications cardiovasculaires, rénales ou neurologiques du diabète. Et la première cause de mortalité chez les patients diabétiques sont les complications cardiovasculaires. »
Des médicaments très efficaces dans l’équilibre de la glycémie
Ainsi les nouvelles recommandations de l’ANSM inquiètent le médecin. « Les recommandations de la société francophone du diabète précisent la place prépondérante de ces médicaments (les analogues GLP-1) dans la stratégie thérapeutique et notamment, compte-tenu de leurs effets démontrés sur la réduction de la mortalité cardiovasculaire. En outre, ces médicaments sont parmi les plus efficaces pour réguler la glycémie », explique le médecin, contacté par Destination Santé.
Le vice-président de la fédération française des diabétiques ajoute : « chez un patient qui présente des facteurs de risques importants athéromateux (infarctus, AVC) seuls les analogues GLP1 ont montré une efficacité avec une baisse de près de 20 % de la mortalité. Un patient victime d’un infarctus qui présente un diabète non-équilibré doit être traité avec un analogue GLP-1. Ne pas lui prescrire, c’est, pour lui, une perte de chance ».
La maladie athéromateuse se caractérise par la formation de plaques d’athérome sur les parois des artères et la rupture de ces plaques, dont les fragments peuvent boucher les artères. Pour le patient, le risque est l’accident vasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral).
Une alternative moins efficace ?
Dans sa publication, l’ANSM propose une alternative : « lorsque l’initiation du traitement est motivée par la présence d’une maladie athéromateuse avérée et vise à diminuer le risque de survenue ou de récidive d’un évènement cardiovasculaire : les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2) doivent être prescrits en alternative à un aGLP-1 ». Pour Jean-François Thébaut, « les SGLT2 fonctionnent bien chez une personne qui présente un diabète bien équilibré chez qui on veut faire de la prévention cardiovasculaire. Ces médicaments sont efficaces pour prévenir l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale mais pas la maladie athéromateuse ».
En France en 2020, selon les chiffres de Santé publique France, plus de 3,5 millions de personnes sont traitées par médicament pour un diabète, soit 5,3 % de la population.
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Source : Santé publique France, ANSM, Interview de Jean-François Thébaut, le 11 décembre 2023.
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet