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Les fibres insolubles (cellulose, hémicelluloses, lignines) se trouvent dans l’enveloppe des graines, des végétaux ou dans la peau des fruits. Les fibres solubles (pectines, gommes, mucilages) sont, elles, localisées au cœur des végétaux. Elles influencent toutes la digestion, régulent le transit intestinal et participent à l’équilibre du microbiote. On en trouve dans les légumes, les fruits mais aussi dans les céréales complètes, les légumineuses, les noix et les graines. Il est conseillé d’atteindre un apport quotidien de 25 à 30 g de fibres par jour selon l’ANSES et au moins 25g/j selon l’OMS.
La consommation de fibres des Français tourne autour de 20 g par jour. Chez les personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable (SII), les données varient. « En pratique, j’observe le plus souvent de faibles apports, fait remarquer Johana Le Lorrec à l’occasion d’un webinaire consacré au sujet organisé par l’APSSII (Association des Patients Souffrant du Syndrome de l’Intestin Irritable). Plus rarement, certains patients présentent au contraire des apports largement supérieurs aux seuils recommandés. »
Quand on souffre du SII, il peut être difficile d’avoir des apports adaptés en fibres, du fait de la peur – légitime – de déclencher des symptômes, qui conduit souvent à restreindre l’alimentation. Ensuite, l’information disponible sur les fibres dans le contexte du SII est souvent peu fondée scientifiquement ou même dépassée au vu des recherches. Le vécu personnel joue aussi un rôle : certains associent une crise sévère à un repas riche en fibres, et deviennent ensuite réticents à en consommer. À l’inverse, d’autres rapportent une nette amélioration pendant un régime sans résidus prescrit avant une coloscopie, ce qui peut fausser leur perception.
« Certains types de fibres ou certains aliments riches en fibres sont moins bien tolérés dans le SII, explique la nutritionniste diététicienne. D’autres ont, au contraire, un effet bénéfique, parfois net, sur les symptômes. Quoi qu’il en soit, il y a davantage à gagner à inclure des fibres de façon adaptée qu’à les éviter complètement. Cela varie beaucoup d’une personne à l’autre. » D’où l’intérêt de consulter des professionnels formés à la fois à la nutrition, au SII et aux aspects comportementaux liés aux peurs alimentaires.
Il est néanmoins possible de proposer quelques repères :
– Dans les SII à dominante « diarrhéique » : modérer (sans supprimer) certains aliments riches en fibres insolubles ou irritantes peut apporter un bénéfice. Sont concernés les céréales complètes, les légumineuses, ainsi que les fruits et légumes crus très fibreux, en particulier lorsqu’ils sont consommés avec la peau ;
– À l’inverse, dans les formes à dominante « constipation » et mixtes : une augmentation globale de l’apport en fibres est souvent bénéfique. Les données suggèrent de privilégier les fibres solubles (flocons d’avoine, la chair de nombreux fruits et légumes, les graines de lin ou de chia) et de ne pas augmenter excessivement les fibres insolubles. Tout est question de personnalisation.
Précision : un risque de déficit en fibres survient lorsque le régime pauvre en FODMAPs (régime pauvre en sucres fermentescibles) est suivi sans encadrement. Les patients, par crainte d’erreurs, ont tendance à écarter massivement les fruits et légumes, et à remplacer les produits à base de blé par des équivalents pauvres en gluten, souvent très raffinés, faibles en fibres.
– Bien mastiquer ! Des fibres bien mastiquées et broyées seront mieux tolérées, moins fermentescibles, moins irritantes et généreront moins de ballonnements. Manger lentement permet également de réduire le volume d’aliments arrivant d’un seul coup dans l’estomac, ce qui favorise un meilleur confort digestif ;
– Bien s’hydrater ! Des fibres insuffisamment hydratées sont peu utiles, voire contre-productives, notamment sur le plan du transit ;
– Bien répartir ses apports sur la journée. À quantité équivalente, une meilleure tolérance est généralement observée lorsque les fibres sont intégrées progressivement dans chaque repas ;
– Le mode de préparation compte aussi. Quand l’aliment est mixé ou cuit longuement, les fibres ne disparaissent pas mais leur structure modifiée les rend moins irritantes, souvent mieux tolérées, tout en réduisant parfois leur effet mécanique sur le transit. Lorsque l’aliment est épluché, une partie importante des fibres (souvent insolubles) est retirée, car elles se trouvent en majorité dans ou juste sous la peau (pomme, poire, carotte, courgette, etc.).
Il existe deux grandes catégories de compléments alimentaires à base de fibres. D’un côté, les compléments contenant des fibres insolubles, à base de son de blé ou de fruits séchés. Certains patients peuvent en retirer un certain confort, mais ces produits sont parfois irritants et ont tendance à augmenter les ballonnements. De l’autre côté, les compléments riches en fibres solubles et à forte viscosité, comme le psyllium ou la PHGG (Partially Hydrolyzed Guar Gum, pour gomme de guar partiellement hydrolysée), bénéficient d’un bon niveau de preuve d’efficacité dans le SII, en particulier dans les formes à dominante constipation ou mixtes. « Dans les formes à prédominance diarrhéique, on n’y pense pas systématiquement, souligne-t-elle, mais il n’est pas rare d’observer une amélioration de la consistance et de la fréquence des selles, ainsi qu’un meilleur confort digestif global. »
L’automédication est à éviter. Le fait qu’ils soient en vente libre ne signifie ni absence d’interactions, ni absence de contre-indications ou d’effets indésirables. Une validation préalable par le médecin généraliste ou le gastro-entérologue est indispensable. Leur efficacité dépend d’une posologie adaptée et d’un bon moment de prise.
Visionner l’entièreté du webinaire « Fibres et syndrome de l’intestin irritable » organisé par l’APSSII (physiologie des fibres, régime pauvre en FODMAPs, conseils pour gérer les fibres au quotidien en cas de SII)
Source : D’après le suivi du webinaire organisé par l’APSSII (Association des Patients Souffrant du Syndrome de l'Intestin Irritable) et APRIFEL le 03/06/2025 et l’intervention spécifique de Johana Le Lorrec, diététicienne nutritionniste (Rennes)
Ecrit par : Hélène Joubert ; Édité par Emmanuel Ducreuzet