Infertilité masculine : dépister pour mieux traiter

16 novembre 2023

L'infertilité masculine gagne du terrain, en France comme dans le monde. Or, certaines causes sont facilement détectables, telles que des problèmes testiculaires ou une mauvaise hygiène de vie, et peuvent être tout aussi aisément corrigées pour retrouver une fertilité satisfaisante.

Au cours de la période 1973-2018, la concentration en spermatozoïdes chez les hommes au niveau mondial s’est effondrée de 51,6 %, et leur nombre total de 62,3 %. De plus, la concentration plasmatique en spermatozoïdes décline chaque année : elle est jusqu’à deux fois plus rapide entre la période après 1972 comparé à la période après 2000 (de 1,16 % à 2,64 %). Aujourd’hui, la prévalence de l’infertilité au cours de la vie (le pourcentage d’individus connaissant des problèmes d’infertilité à un moment donné de leur vie) est de 16,5 % en Europe, et même 20 % sur le continent américain (13 % sur le continent africain).

Raréfaction des spermatozoïdes : le rythme s’accélère

Le Dr Charlotte Methorst, chirurgienne urologue à Saint-Cloud, qui a coordonné le rapport 2023 « La fertilité masculine » de l’Association française d’urologie (AFU), ose même parler de « possible extinction de l’espèce ». Selon la spécialiste, « les causes de cette menace sont diverses, allant de modes de vie de plus en plus sédentaires à des facteurs tels que l’obésité, le tabagisme, l’excès d’alcool, le stress oxydatif, le manque de sommeil, la pollution, et même la consommation de cannabis ! Ces facteurs, notamment l’obésité, pourraient aussi avoir des répercussions transgénérationnelles. »

1 infertilité sur 3 s’explique par une infertilité masculine

Le Dr Methorst souligne qu’une infertilité sur trois trouve son explication, entièrement ou partiellement, dans une infertilité masculine. C’est pourquoi « il est impératif d’évaluer la fertilité masculine de manière systématique dans le cadre d’un parcours PMA (procréation médicalement assistée), et sans se limiter à un spermogramme. » En effet, parmi les causes d’infertilité qui doivent être dépistées, la varicocèle, une varice des testicules, est présente chez 25 à 35 % (selon les études) des hommes consultant pour infécondité. « Cette pathologie, détectable par une simple échographie, poursuit l’urologue, peut être traitée relativement facilement par une chirurgie ambulatoire, améliorant le spermogramme et le taux de naissance de bébés en bonne santé. »

La faute aux radicaux libres

L’impact du stress oxydatif sur la fertilité est pointé par l’ensemble des études. C’est un déséquilibre entre la production de radicaux libres, des molécules instables contenant de l’oxygène, et la capacité du corps à neutraliser ces substances potentiellement dangereuses. Les radicaux libres, lorsqu’ils sont produits en excès, peuvent endommager les cellules, les protéines et l’ADN dans le corps, contribuant ainsi au vieillissement prématuré et à de nombreuses maladies. Bien que naturel, ce processus qui fait partie du métabolisme cellulaire normal peut devenir excessif du fait de l’exposition à la pollution, au tabagisme, d’une mauvaise alimentation, du stress et d’autres facteurs environnementaux. Les radicaux libres rendent les spermatozoïdes, cellules particulièrement fragiles, immatures, notamment.

Alimentation équilibrée, bonne fertilité

Manger équilibré, bien dormir, pratiquer une activité physique… sont des conseils judicieux et les études soulignent leur intérêt vis-à-vis de la fertilité, à la fois sur la qualité du spermogramme (analyse du sperme) et sur le taux de naissance.

Par exemple, les aliments riches en nutriments antioxydants (cryptoxanthine, vitamines E et C, lycopène, bêta-carotène, sélénium, zinc…) et oméga-3 sont associés à de meilleurs paramètres spermatiques ; des études ayant démontré que cela augmentait le nombre total de spermatozoïdes, leur concentration et leur mobilité.

La perte de poids en cas d’obésité ou fort surpoids améliore aussi les fonctions de reproduction, en particulier le nombre total de spermatozoïdes et même leur volume, leur concentration, leur mobilité et leur morphologie. De plus, leur ADN est moins « fragmenté ». Alors que des études ont confirmé que l’obésité accroissait le stress oxydant supporté par les spermatozoïdes, à l’inverse, une autre publiée en 2022 confirme que le sport produit un impact favorable sur le volume des spermatozoïdes, leur morphologie, leur nombre, leur mobilité et la concentration du sperme.

Bien dormir, lever le pied sur l’alcool, bannir le tabac et le cannabis

Quant au sommeil, sa durée est corrélée au volume des testicules, plus important pour une durée inférieure à 9h, comparé à une durée inférieure à 6,5 h.

Du côté des toxiques, le tabac, sans surprise, altère les paramètres du sperme (mobilité, concentration et morphologie des spermatozoïdes), par chance, une situation réversible dès 3 mois après le sevrage. Pour sa part, le cannabis provoque des dégâts au niveau des cellules qui produisent les spermatozoïdes et des spermatozoïdes eux-mêmes, altérant leur mobilité, entre autres. Boire très modérément de l’alcool est aussi recommandé, l’infertilité étant plus fréquente dès 5 verres par semaine, 30g par jour et 3 verres quotidiens, via un effet lié à un impact sur la sécrétion d’une hormone clé, la GnRh (hormone de libération des gonadotrophines).

Un autre paramètre déterminant est la chaleur. Une augmentation de 1°C réduit la spermatogenèse de 14 %. Pensez-y après un trajet en voiture qui augmente la température des testicules, là où sont hébergés les spermatozoïdes, de 2 degrés. Bougez !

Messieurs, consultez !

Le dépistage est individuel en cas de risque d’infertilité : antécédent de testicule non descendu, torsion testiculaire, infection testiculaire, antécédent de pathologie maligne, infertilité familiale, petits testicules, etc. Ensuite, l’infertilité est dépistée généralement au décours d’un spermogramme au sein d’un couple infertile.

« Le message clé est que l’infertilité masculine est une cause fréquente d’infertilité du couple et que certaines causes peuvent être curables », insiste le Dr Charlotte Methorst, « en premier lieu, en traitant une varicocèle et en modifiant son hygiène de vie. C’est pourquoi l’homme doit consulter un urologue ayant une certaine expertise en la matière, avec un interrogatoire et un examen clinique, d’éventuels examens complémentaires (biologie séminale…) et qui délivrera des conseils simples permettant d’augmenter la fertilité ou proposera un éventuel traitement. »

  • Source : Interview du Dr Charlotte Methorst, chirurgienne urologue (Saint Cloud), présidente de la Société d’Andrologie de langue française (SAFL) et suivi de la conférence de presse en amont du 117e congres français d'urologie (paris, 22 au 25 novembre 2023). - Rapport du Congrès de l’AFU 2023 consacré à « La Fertilité Masculine ». Il sera présenté par Eric Huyghe, Charlotte Methorst et Antoine Faix. - Epidemiology of varicocele. Asian Journal of Andrology (2016) 18, 179-181 - Emokpae MA, Brown SI. Effects of lifestyle factors on fertility: practical recommendations for modification. Reprod Fertil. 2021 Jan 8;2(1):R13-R26. 

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par Emmanuel Ducreuzet

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