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C’était une décision attendue depuis la notification par la France auprès de la Commission européenne de son projet d’interdiction des produits à base de nicotine. Samedi 6 septembre, les produits à usage oral contenant de la nicotine ont été interdits par décret, à l’exception des médicaments et des dispositifs médicaux. Le texte, qui entrera en vigueur en mars 2026, souligne que la nicotine « est classée en vertu de l’article L.5132-1 du code de la santé publique en tant que substance vénéneuse et ne peut être utilisée ou commercialisée que sous certaines conditions à l’instar des produits déjà régulés (produits du tabac, de vapotage et produits de santé) ». Dans un communiqué publié lundi 8 septembre, l’Institut national du Cancer salue une décision « qui contribue à préserver la santé de nos plus jeunes ».
Dans le viseur, les pouches, ces mini-sachets à placer entre la lèvre et la gencive, diffusent de la nicotine à travers la muqueuse buccale. Selon l’OMS, « la nicotine, à doses très élevées, peut être toxique ou mortelle et les produits nicotiniques sont donc à conserver hors de la portée des enfants ». En juillet, l’Anses alertait pour la seconde fois sur le phénomène des sachets de nicotine et le risque d’intoxication sévère qu’ils présentaient. Premiers concernés ? Les adolescents, cibles sur les réseaux de publicités vantant les capacités des sachets de nicotine à maintenir ou à améliorer les performances sportives.
Sur la période 2017-2022, une dizaine d’entre eux, âgés de 12 à 17 ans, avaient présenté un syndrome sévère d’intoxication à la nicotine.
Les chiffres de 2023- 2024 confirmaient la tendance. Les Centre antipoison ont reçu 90 appels pour des effets indésirables en lien avec la consommation de sachets de nicotine et dans plus d’un cas sur deux (54 %) ces appels concernaient une personne âgée de 12 à 17 ans. La majorité avait consommé des sachets de nicotine en groupe et en milieu scolaire.
Les symptômes d’une intoxication sévères sont : des vomissements prolongés, une hypotension voire des convulsions et des troubles de la conscience, nécessitant une prise en charge médicale.
Outre le risque d’intoxication, des professionnels pointent le risque de dépendance à la nicotine notamment chez les jeunes, faisant de ces produits une porte d’entrée dans l’addiction et non une aide au sevrage tabagique. Ainsi selon des analyses publiées fin 2024 par l’INC/60 Millions de consommateurs en partenariat avec le Comité national contre le tabagisme (CNCT), l’étiquetage des sachets de nicotine est très souvent trompeur, sous-estimant la teneur réelle en nicotine. Celle-ci peut en effet atteindre 38,9 mg/g, soit près de dix fois plus que les gommes nicotiniques vendues en pharmacie, limitées à 4 mg/g.
Les produits que contiennent ces sachets sont aussi délétères pour la santé. Le CNCT y a retrouvé « jusqu’à cinq métaux lourds différents. En particulier, l’étude pointe la présence d’arsenic dans l’ensemble des références (entre 0,04 μg et 0,59 μg), soit jusqu’à 6,5 fois les quantités d’arsenic présentes dans une cigarette. Cancérogène avéré, fortement irritante pour les voies respiratoires et toxique en cas d’ingestion, la présence d’arsenic est particulièrement préoccupante ».
Dans un communiqué publié dimanche 7 septembre, le CNCT insiste sur « la nécessité que cette interdiction soit pleinement respectée. L’expérience de l’interdiction des cigarettes électroniques jetables, les puffs, toujours disponibles malgré la loi, montre que l’effectivité des mesures dépend avant tout de la fermeté des contrôles et de la sévérité des sanctions ». Le comité demande des inspections régulières, dans les points de vente physique mais aussi sur Internet, et des sanctions véritablement dissuasives.
Source : CNCT, Inca, OMS, Anses
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet