Si, les statines sauvent des vies !
03 octobre 2013
Les statines sont indiquées dans la prise en charge d’un excès de cholestérol ©Phovoir
Certains propos amplement médiatisés peuvent vraiment avoir un impact dramatique sur la santé publique. C’est en quelque sorte le message de cardiologues français qui publient ce jeudi les résultats d’une étude portant sur les conséquences d’un arrêt des traitements hypocholestérolémiants : les statines. Selon les auteurs, cesser, contre l’avis médical, de prendre ces médicaments provoquerait 1 159 décès chaque année en France. « Ce chiffre illustre à lui seul l’efficacité tant de fois démontrée des statines », nous a expliqué le Pr Jean Ferrières, cardiologue au CHU de Toulouse.
Retour sur une polémique (trop) médiatisée ! Dans son ouvrage sorti en février 2013 et intitulé, La Vérité sur le cholestérol, le Pr Philippe Even tirait à boulets rouges sur les statines, prescrites à 3 millions de Français. Il les jugeait tout simplement inutiles. Soit ! Ses propos ont été largement repris par un grand nombre de médias.
Quelles conséquences ? Quelques mois plus tard, cinq cardiologues ont voulu évaluer les dommages collatéraux d’une telle polémique. Une étude menée dans deux services parisiens et cabinet libéral a été pilotée à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris). Au total, 142 patients y ont participé. Objectif, évaluer les risques pris par ceux qui ont arrêté de prendre des statines, sans avis médical. Selon les auteurs, dont le travail a été publié dans la Revue Archives of Cardiovascular Disease, en extrapolant les résultats de cette cohorte, le nombre d’événements cardiovasculaires majeurs serait de 5 000 chaque année. Et celui des décès serait proche des 1 200.
« C’est une étude observationnelle qui a consisté à enregistrer les données déclaratives des patients », explique le Pr Jean Ferrières, cardiologue au CHU de Toulouse et membre de la Société française de Cardiologie. « Certes ce type de travail n’a pas la force statistique d’un essai clinique, donc nous ne pouvons pas certifier de sa justesse scientifique ».
Une mortalité cardiovasculaire en chute libre… Pour notre interlocuteur, un autre chiffre bien plus documenté permet de clore le débat sur l’intérêt des statines. « Depuis 25 ans, la mortalité cardiovasculaire a chuté de 50% en Europe. Et l’ensemble de la communauté internationale s’accorde à dire que cette baisse est due aux trois piliers que constituent l’aspirine, les statines et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Le poids de ces prescriptions est majeur pour expliquer ce changement radical ».
Une polémique franco-française. Pour le Pr Ferrières, « la théorie selon laquelle les statines ne servent à rien, ne rencontre aucun écho parmi la communauté scientifique international. Il y a sans aucun doute un souci d’interprétation des données parmi les détracteurs des statines »… Lesquels sont donc totalement isolés.
Il enfonce le clou et revient sur d’autres résultats aussi déterminants, publiés début 2013 par la Revue Cochrane. « Cette dernière qui n’a aucun conflit d’intérêt a démontré qu’en prévention primaire, les statines baissaient de 14% la mortalité cardiovasculaire. Du point de vue scientifique, le débat est définitivement clos avec les résultats de ce travail ».
La crédibilité des médecins mise en cause. Au-delà des conséquences en termes de santé publique, le Pr Ferrières et ses confrères observent que ces polémiques incessantes mettent à mal le discours des médecins. « Elles provoquent des dégâts considérables au niveau de notre relation avec les patients. Certains viennent nous consulter et nous disent qu’ils refusent de prendre des statines. S’ils sont convaincus que nous allons leur donner des produits qui sont dangereux pour leur santé, c’est toute notre crédibilité qui est en jeu ». Les affaires du Médiator®, des prothèses PIP ou encore des pilules de 3e et de 4e générations ont entamé la confiance des Français dans leur système de santé. Ce qui constitue un terreau fertile pour alimenter les controverses et favoriser la montée des obscurantismes…
Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : David Picot
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