Maladie de Crohn : pourquoi il ne faut pas arrêter son traitement, même après une rémission

31 octobre 2025

Les personnes diagnostiquées avec la maladie de Crohn, l’une des principales maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, sont souvent jeunes, autour de 20 à 30 ans, voire bien plus jeunes. Cela nourrit l’espoir, partagé par de nombreux experts français et internationaux, qu’une fois la rémission obtenue après un traitement d’attaque chez des patients au diagnostic précoce, il soit possible de l’arrêter sans craindre la rechute. C’est pourquoi l’étude française CURE était très attendue. La réponse, cependant, n’est pas celle que l’on espérait.

Dans la maladie de Crohn, commencer le traitement rapidement et suivre régulièrement le patient reste le meilleur moyen d’obtenir une rémission durable et de ralentir la progression de la maladie. Une question restait en suspens : peut-on arrêter un traitement efficace (en l’occurrence par anti-TNF, traitement de première ligne) chez des patients qui ont une forme débutante et qui sont parvenus à une rémission profonde prolongée ? Dans l’étude française CURE, la réponse est non : sur toute la cohorte de l’étude (171 patients âgés en moyenne de 27 ans à l’inclusion) seulement 4,1 % des patients n’avaient pas rechuté après 12 mois sans traitement.

« Ne plus prendre de médicaments une fois la rémission profonde de la maladie obtenue expose à des rechutes, de manière quasi certaine », expliquait la Dre Bénédicte Caron, hépato-gastro-entérologue au CHRU Nancy, au congrès européen de gastro-entérologie à Berlin (UEGW 2025, 4-7 octobre 2025, Berlin)

L’espoir de cycles thérapeutiques

L’étude CURE a été lancée il y a une dizaine d’années par le Groupe d’Étude Thérapeutique des Affections Inflammatoires du tube Digestif (GETAID) pour répondre à une question clé : « peut-on gérer la maladie de Crohn par des cycles de traitement ? »

« L’idée était que, après la phase initiale intense liée à une poussée, la maladie pourrait s’atténuer, ce qui permettrait de réduire ou même d’arrêter temporairement le traitement si le contrôle était complet, explique le présent le Pr David Laharie, président du GETAID. L’objectif était d’agir très tôt, avant que des lésions intestinales irréversibles ne s’installent, pour tenter d’interrompre complètement l’inflammation. »

Pour tester cette hypothèse, une étude a été menée dans plusieurs centres français. Les patients venaient de recevoir leur diagnostic de maladie de Crohn (en moyenne depuis 4 mois), correspondant à une forme dite « précoce ». Entre mars 2015 et mars 2019, ils ont tous été traités par anti-TNF. Dans un premier temps, l’étude a évalué, un an après l’arrêt de ce traitement, si ces adultes étaient en rémission complète, c’est-à-dire à la fois sur les plans clinique (symptômes), biologique (marqueurs sanguins) et endoscopique (au niveau de la paroi de l’intestin). Finalement, moins d’un quart des patients sont parvenus à la rémission après un an sous adalimumab, 22,2 % exactement. Ce chiffre, assez bas, montre que malgré les traitements actuels, même les plus performants comme les anti-TNF, il reste difficile d’obtenir les résultats espérés. « L’objectif est bon, mais souvent difficile à atteindre », reconnaît David Laharie.

A peine 4 % des patients n’ont pas rechuté après un an sans traitement

Deuxième étape : observer combien de patients, après être entrés en rémission et avoir interrompu leur traitement, restaient stables sans rechute après un an. Le résultat est clair : seuls 4 % des patients ont conservé une rémission profonde sans adalimumab. « Le maintien de la rémission après l’arrêt du traitement reste exceptionnel, conclut la Dre Bénédicte Caron. Le traitement par anti-TNF doit être poursuivi sur la durée, même chez les patients atteints d’une forme récente de la maladie. »

Plusieurs experts soulignent toutefois que viser un an de rémission avant d’envisager l’arrêt du traitement est sans doute trop court. Ils évoquent la possibilité de le maintenir plusieurs années, jusqu’à cinq ans, avant de discuter avec le patient d’une éventuelle pause thérapeutique. Cette option doit toutefois être évaluée au cas par cas, car aucune étude n’a encore permis de trancher sur ce point.

  • Source : Suivi de la session de congrès et de l’étude B. Caron, E. Jeanbert, F. Poullenot, Y. et al. Changing the coUrse of cRohn's disease with an Early use of adalimumab : The CURE study from the GETAID ; UEGW 2025, Berlin sunday, October 5, 15:30 - 15:42 Session Clinical management of IBD; interview du Pr David Laharie (CHU de Bordeaux, 10/25).

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
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