Mieux comprendre l’anorexie précoce
09 septembre 2016
Image Point Fr /shutterstock.com
Votre enfant ou votre adolescent refuse de s’alimenter en quantité suffisante ? Vous avez repéré une perte de poids anormale ? Ou une tendance quasi obsessionnelle à faire le décompte du nombre de calories ingérées par repas ? Peut-être s’agit-il d’un état passager. Mais si les régimes drastiques, l’absence d’appétit ou encore les difficultés à avaler des aliments perdurent, alors le diagnostic peut traduire une anorexie précoce.
Les premières descriptions de l’anorexie précoce, survenant pendant l’enfance et l’adolescence, remontent à la fin du 19e siècle. En premier lieu, les principales concernées étaient « les filles caucasiennes nées dans un milieu aisé », explique le Dr Marie-France Le Heuzey, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré (Paris). Mais aujourd’hui l’anorexie atteint « toutes les classes sociales, les cultures et ethnies ». Et 19% à 30% de la population diagnostiquée pour une anorexie prépubère sont des garçons, le plus souvent en surpoids ou obèses.
D’où vient cette pathologie ?
Le carcan des régimes a gagné du terrain, dans un premier temps au sein des sociétés occidentales. « La valorisation de la minceur dans nos sociétés ne fait qu’encourager les comportements de restriction qui créent un renforcement et un maintien du comportement ».
Des critères « périnataux, génétiques, épigénétiques ou encore des antécédents familiaux, des traits du tempérament (rigidité, perfectionnisme) » entrent aussi en ligne de compte dans la survenue de l’anorexie mentale dans la population jeune. Et la liste ne s’arrête pas là : « des antécédents d’abus sexuels et la pratique intensive d’un sport » exposent aussi les enfants et adolescents à la privation alimentaire extrême et prolongée. Au cœur du problème on trouve souvent une « famille pathogène, des conflits parentaux ou le poids d’influences sociétales ». D’autres pistes, biologiques cette fois, sont actuellement à l’étude : le rôle du microbiote et des hormones périphériques comme la ghréline (hormone digestive qui stimule l’appétit).
Reconnaître la maladie
Plusieurs symptômes laissent présager un risque d’anorexie précoce : « une perte de poids significative, toute absence de prise de poids, un arrêt de croissance staturale* », selon les explications du Dr Le Heuzey. Des comportements obsessionnels comme « des préoccupations excessives concernant son poids, ses formes, des modifications des habitudes alimentaires, un intérêt pour les calories » sont aussi communs. Autres attitudes spécifiques, « une peur d’avaler et/ou de vomir, des douleurs abdominales pendant le repas ou en dehors, une restriction des apports hydriques ». Au quotidien, le jeune peut présenter des carences de sommeil, une conduite excessive et perfectionniste à l’école ou dans la pratique du sport ainsi qu’un isolement social. A terme, la dénutrition se traduit par un risque d’ostéopénie (début de déminéralisation osseuse), un ralentissement voire un arrêt de la croissance.
Quelle prise en charge ?
Longtemps le soin de l’anorexie précoce a reposé sur un isolement total à l’hôpital, « avec séparation de l’enfant de sa famille ». Mais aucune preuve de cette méthode n’a été apportée. Aujourd’hui, quatre approches sont privilégiées pour une reprise de poids et de la croissance progressive et adaptée :
- Le traitement médical: le médecin généraliste ou le pédiatre dépiste des complications, prescrit des examens en fonction du degré de dénutrition et de traitements correcteurs ;
- Le suivi nutritionnel: un programme de réalimentation progressive mis en place par un diététicien ou un nutritionniste ;
- Le soin psychiatrique: des consultations sont proposées pour évaluer l’état psychique de l’enfant, une recherche d’éventuelles psychopathologies, une prescription d’un traitement si besoin ;
- La psychothérapie familiale: placer les parents et la fratrie comme ressource humaine capable d’améliorer le trouble en mobilisant les ressources et compétences du patient. Cette approche est le traitement de choix dans la prise en charge des anorexies du jeune.
L’enfant ou l’adolescent peut aussi bénéficier de consultations en ambulatoire (hôpital de jour). L’hospitalisation devient nécessaire si « la dénutrition prend de l’ampleur, en cas de complications médicales ou psychiatriques graves, ou lorsque la famille est défaillante ou éloignée », conclut le Dr Le Heuzey.
Pour en savoir plus :
- L’enfant anorexique, Marie-France Le Heuzey – Odile Jacob, Paris, 2003 ;
- Troubles du comportement alimentaire de l’enfant. Du nourrisson au pré-adolescent, Mouren MC et al. Elsevier Masson, 2011.
*gain de centimètres par année
-
Source : Pédiatrie pratique n°277, avril 2016
-
Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon