Pneumonie : manipuler le microbiome respiratoire pour lutter contre l’antibiorésistance ?

07 décembre 2023

Une équipe de chercheurs, réunis autour du projet Phenomenon, cherche à comprendre le microbiome respiratoire pour en finir avec la résistance aux antibiotiques dans le traitement des pneumonies. Explications.

La pneumonie est une infection pulmonaire d’origine bactérienne. On distingue la pneumonie communautaire, acquise en ville, de la pneumonie nosocomiale, acquise à l’hôpital. Pour rappel, une hospitalisation en réanimation, sous assistance respiratoire, sont autant de facteurs de risque de survenue d’une pneumonie nosocomiale.

La mortalité s’élève à 25 % chez les patients atteints d’une pneumonie communautaire dont l’état nécessite une intubation. Quant aux pneumonies nosocomiales, elles représentent le 3e risque d’infections nosocomiales en France et la première cause de mortalité par infection nosocomiale en réanimation.

Echec des traitements dans 30 % des pneumoniques nosocomiales

Les pneumonies sont traitées par la prise d’antibiotiques. Le type d’antibiotiques utilisé dépendra de la bactérie mise en cause. Pourtant, chez ces patients atteints d’une pneumonie nosocomiale, les échecs de traitement antibiotique concernent 30 % des patients. Aujourd’hui l’antibiorésistance est en hausse pour la majorité des bactéries, les impasses dans le traitement des pneumonies nosocomiales ou communautaires sévères en sont le reflet.

Comment expliquer ces échecs, sans amélioration de chiffres ou presque depuis des années, alors que les traitements antibactériens sont adaptés ? Puisque la microbiologie traditionnelle ne parvient pas à trouver de réponses, une équipe de chercheurs pluridisciplinaires s’intéressent à la composition du microbiome respiratoire. C’est l’hypothèse de départ du projet Phenomenon, soutenu par MSDAvenir (fonds de dotation européen dédié à la santé) : le microbiome respiratoire est impliqué dans l’émergence de l’antibiorésistance et, en conséquence, de l’échec de l’antibiothérapie chez les personnes atteints pneumonie.

Identifier les bactéries amis et les bactéries ennemies

Pour rappel, le microbiome désigne l’ensemble des génomes et gènes – bactéries, virus, parasites, champignons – qui composent un microbiote. On connaît bien aujourd’hui le microbiote intestinal et son rôle dans certaines maladies. La connaissance du microbiote et du microbiome respiratoire en est, elle, à ses prémices. Les chercheurs veulent trouver, via une cohorte multicentrique de 450 patients au total, ce qui peut ou a pu altérer le microbiome respiratoire qui empêche les antibiotiques d’éliminer la bactérie responsable de la pneumonie. « On espère via Phenomenon identifier les bactéries amies et les bactéries ennemies, afin de favoriser les premières pour pouvoir éliminer les secondes », explique le Pr. Jean-François Timsit, chef du service de Médecine intensive et réanimation infectieuse à l’hôpital Bichat à Paris, co-porteur du projet, en conférence de presse, à Nantes, le 1er décembre.

L’idée ? Trouver les bonnes combinaisons de modification du microbiome pour réussir à contrer la résistance aux antibiotiques. « Comment peut-on manipuler le microbiome pour mieux traiter ? Il s’agit, in fine de faire un médicament qui changera le microbiome et rendra le traitement antibiotique efficace », résume le Pr. Antoine Roquilly, co-porteur du projet et médecin au service d’anesthésie-réanimation du CHU de Nantes.

Un défi à l’échelle mondiale

La résistance aux antibiotiques  est un enjeu de santé publique à l’échelle mondiale. Les bactéries y deviennent insensibles et les infections plus difficiles à traiter. Le plus souvent, un autre antibiotique est alors administré mais certaines bactéries sont multirésistantes et entraînent une impasse thérapeutique. La résistance aux antibiotiques est due à des mutations de la bactérie, ou, et c’est le plus fréquent, à l’acquisition de gène de résistance – ces gènes peuvent s’échanger entre bactéries.

La résistance aux antibiotiques s’acquiert progressivement, par la prise d’antibiotiques, notamment à large spectre. Elle serait responsable de 33 000 décès chaque année en Europe. Selon une étude de 2016, l’antibiorésistance pourrait être responsable de 10 millions de morts supplémentaires par an d’ici 2050.  « Cette grave menace n’est plus une prévision, mais bien une réalité dans chaque région du monde, et tout un chacun, quels que soient son âge et son pays, peut être touché », notait l’OMS en 2014.

  • Source : conférence de presse Phenomenon, Nantes, le 1er décembre 2023 – E.Popi, maladies infectieuses et tropicales – Institut Pasteur, résistance aux antibiotiques.

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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