Tumeur du cerveau : la réalité virtuelle guide les chirurgiens
04 août 2021
Porter un casque de réalité virtuelle pour permettre au chirurgien de localiser les zones du cerveau impliquées dans la communication non-verbale, et ainsi les préserver. Voici la technologie développée par des chercheurs de l’Inserm auprès de patients opérés pour une tumeur du cerveau. Explications.
En cas de tumeur du cerveau, la chirurgie peut être proposée aux patients quand la localisation des cellules atteintes le permet*. « Lorsque cette option est choisie, comment s’assurer que les opérations chirurgicales du cerveau n’endommagent pas des régions importantes au sein de celui-ci ? ». Telle est la question posée par des chercheurs nantais et angevins de l’Inserm**.
Au cours d’un essai clinique mené sur plus de 40 patients, les scientifiques se sont appuyés sur la réalité virtuelle, technologie employée pour cartographier différentes zones du cerveau impliquées dans d’importantes fonctions : le langage, la motricité. Mais aussi la cognition sociale.
Toute l’importance du non-verbal
Pour commencer, qu’entend-on par cognition sociale ? Cette notion recouvre le langage non verbal (communication gestuelle, démonstration de l’empathie, intention par le regard) pour produire du sens au cours d’une discussion, assimiler ce qui est dit et exprimer nos émotions. En somme, « tout ce qui nous permet de nous socialiser », souligne le Pr Philippe Menei, professeur des universités-praticien hospitalier au CHU d’Angers et chercheur au CRCINA.
Jusqu’ici, lors d’une opération d’une tumeur du cerveau, les neurochirurgiens veillaient surtout à préserver l’hémisphère gauche***, la zone du langage. « On se préoccupe moins des zones liées au langage non verbal ou à d’autres fonctions de la cognition sociale », regrette le Pr Menei. « Or, une atteinte de celles-ci peut avoir de grandes répercussions pour les patients ». Pourtant, les séquelles de lésions cérébrales liées à une atteinte de ces zones nuisent à la qualité de vie du patient : elles augmentent le risque de troubles de la communication, de repli sur soi et d’isolement.
Un avatar pour stimuler le contact visuel
Pour remédier à ce problème, l’équipe du Pr Menei a mis « au point une technique de chirurgie éveillée qui permet de cartographier, pendant l’opération, les régions importantes du cerveau à préserver ».
Grâce au casque de réalité virtuelle, « le patient est immergé dans un monde où des avatars essaient d’entrer en contact visuel avec lui. Ces avatars sont interactifs : si le patient les fixe visuellement, ils produisent des émotions faciales. Si au contraire le patient n’établit pas de contact visuel, les avatars ne réagissent pas : c’est le signe qu’on a touché à une zone essentielle à la cognition sociale », décrit le Pr Menei.
Au niveau du cerveau, une électrode permet de paralyser des zones précises pendant quelques secondes. Cette approche permet « de tester chacune de ces zones et de repérer lesquelles, lorsqu’elles sont temporairement paralysées, ‘bloquent’ les interactions sociales », avec l’avatar donc.
Une technique des plus efficientes pour réaliser une intervention au cas par cas, en fonction du circuit cérébral propre à chaque patient. Elle pourrait « se révéler intéressante pour les patients atteints de lésions cérébrales, à la suite de tumeurs ou de malformations vasculaires, mais aussi pour traiter des zones épileptogènes ».
A noter : chaque année en France, plus de 5 000 patients sont pris en charge pour une tumeur cérébrale.
*Les autres traitements de référence relèvent de la radiothérapie et la chimiothérapie
** unité 1232 Inserm/CNRS/Université de Nantes/ Université d’Angers, Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA)
***chez les droitiers