Dépendance à l’alcool : une maladie pas assez diagnostiquée

24 mars 2016

L’image de l’alcool en France reste de nos jours encore trop positive. C’est en tout cas l’opinion du Dr Alain Rigaud, psychiatre et addictologue, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Selon lui, l’assouplissement de la Loi Evin est en contradiction totale avec la nécessaire accélération de la prise en charge de l’addiction à l’alcool

« La vision sociétale de l’alcool, encouragée par les lobbies et relayée par les politiques s’avère très binaire », explique le Dr Rigaud.  « On est présumé buveur modéré et responsable tant que l’on n’a pas été déclaré buveur malade alcoolique. Soit on est l’un, soit on est l’autre ! » Or cette conception ne prend pas en compte les buveurs qui un jour ou l’autre pourront être confrontés à un problème avec leur consommation d’alcool.

Pour asseoir son discours, le Dr Rigaud évoque les dégâts liés à l’assouplissement de la Loi Evin. « Plus vous êtes exposés à la publicité, plus cela donne une norme de consommation sociale. Or l’alcool est aujourd’hui un produit trop valorisé. Cela fragilise le travail de prévention effectué dans le sens d’une consommation raisonnable. Oui boire un verre de temps en temps, cela relève du plaisir. Mais attention à la régularité de la consommation, elle peut devenir nocive ».

Vers la réduction des risques (RdR)… 

Ce contexte ne facilite pas le diagnostic. Le Dr Rigaud parle de « sous-diagnostic ». Plus de 2 millions de Français souffriraient de dépendance à l’alcool et seulement 10% seraient pris en charge. Or l’arsenal thérapeutique est plus large aujourd’hui. « Le modèle de l’abstinence dominant depuis les années 50 s’est enrichi d’une vision plus souple. Celle du contrôle de la consommation. Ne plus boire une goutte d’alcool n’est pas une approche forcément accessible à tout le monde ». Pour le Dr Rigaud, il convient de considérer le soin « comme un chemin vers l’abstinence. Depuis plusieurs années, nous accompagnons nos patients avec un objectif de réduction de la consommation. Avec l’arrivée de nouvelles molécules, cela nous a permis d’officialiser ce modèle de prise en charge ».

  • Source : Interview du Dr Alain Rigaud, février 2016

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Vincent Roche

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