Mauvaise hygiène bucco-dentaire : quels risques pour votre santé globale ?
04 mars 2024
Dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la Santé, 3,5 milliards de personnes auraient une affection bucco-dentaire. Les caries toucheraient 2,5 milliards de personnes et les maladies parodontales, 1 milliard. Outre la cavité buccale, une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut nuire à la santé globale. Tour d’horizon des risques pour la santé d’une bouche en mauvaise état.
- Les maladies parodontales : gingivite et parodontite
La parodontite est une réaction inflammatoire touchant le parodonte, c’est-à-dire l’ensemble des structures qui permettent l’ancrage des dents (gencives, ligaments, os alvéolaire). Elle est causée par une gingivite, une inflammation locale de la gencive qui n’a pas été soignée. La parodontite est responsable d’une résorption graduelle de la gencive, et le cas échéant, d’une perte des dents. C’est d’ailleurs la première cause de la chute des dents. Cette maladie et les bactéries qui lui sont liées sont en outre associées à de nombreuses autres maladies : maladies cardiovasculaires, diabète, cancers…
- Les maladies cardiovasculaires
L’endocardite infectieuse est une infection grave de l’endocarde (le tissu qui tapisse les cavités cardiaques), associée à un taux élevé de mortalité. Elle est souvent consécutive à la présence de bactéries dans le sang (bactériémie), dont le point de départ est généralement bucco-dentaire, souligne la Haute autorité de santé. Concrètement, l’infection provient des bactéries de la plaque dentaire qui pénètrent dans le flux sanguin pour atteindre le cœur et se fixer à ses cavités internes.
Plusieurs études ont également pointé une association entre les maladies parodontales et l’athérosclérose – la formation dans la paroi des artères de plaques d’athérome – à l’origine de la plupart des maladies cardiovasculaires. Selon le magazine en ligne spécialisé Le fil dentaire, deux mécanismes distincts pourraient être à l’œuvre, voire s’associeraient D’une part, les bactéries parodontales se retrouvent dans la circulation sanguine et viennent grossir les plaques d’athéromes préexistantes. D’autre part, « les maladies parodontales provoquent une réaction immuno-inflammatoire qui se traduit par la production de médiateurs pro-inflammatoires, de facteurs pro-thrombotiques qui, par circulation systémique, se retrouvent au niveau des plaques d’athérome ».
Les relations entre le diabète et les maladies parodontales ont été largement documentées. Ainsi, un diabète mal équilibré multiplierait par trois le risque de développer une maladie parodontale. En effet, l’inflammation chronique associée au diabète participe à la destruction des structures parodontales.
Inversement, « l’inflammation chronique générée par la parodontite augmente la résistance à l’insuline et perturbe à son tour le contrôle de la glycémie », résume l’Observatoire de la prévention de l’Institut cardiologique de Montréal (Canada).
La parodontite et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) seraient également liées. Les bactéries ingérées via la salive contribueraient à l’inflammation intestinale en perturbant le microbiome intestinal (la flore intestinale, composée de milliards de micro-organismes). Comme pour le diabète, la réciproque est vraie.
La maladie parodontale pourrait avoir un lien avec la maladie d’Alzheimer, une fois encore à cause des bactéries de la gencive qui passeraient dans le flux sanguin. Selon une étude, P. gingivalis, la bactérie la plus fréquemment retrouvée dans la parodontite, a été identifiée dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Elle agirait négativement sur la protéine Tau et les peptides amyloïdes, composants principaux des lésions neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer.
L’arthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire chronique qui touche les articulations. La maladie évolue par poussées jusqu’à la destruction des articulations. Plusieurs études épidémiologiques révèlent une association entre cette maladie et la parodontite chronique. Selon une étude de 2020, « l’inflammation causée par la parodontite stimule la production de cellules qui augmentent la résorption osseuse au niveau des articulations », relaie l’Observatoire de la prévention de l’Institut cardiologique du Montréal.
Une étude de 2016 publiée dans la revue Annals of Oncology pointe les liens entre une mauvaise hygiène bucco-dentaire et la survenue de cancer de la tête et du cou. « Une bonne hygiène bucco-dentaire est associée à un risque moindre de cancers de la tête et du cou », concluaient les auteurs.
Par ailleurs, l’Observatoire de la prévention relaie plusieurs études sur cette possible association. La plus récente (2022) conclut que l’incidence du cancer colorectal est 50 % plus élevée chez les individus ayant des antécédents de parodontite. En outre, des bactéries parodontales ont été observées dans les cancers colorectaux et de la bouche. Et des niveaux élevés d’anticorps contre la P. Gingivalis sont associés à la survenue du cancer du pancréas.
- Les risques lors d’une grossesse
Enfin, si les liens de cause à effet restent difficiles à établir, la parodontite pourrait produire des effets délétères chez la femme enceinte. Selon une thèse de médecine soutenue en 2022, qui visait à éplucher la littérature sur le sujet, « la présence de Porphyromonas gingivalis peut être la cause d’une diminution du poids de naissance mais également d’une augmentation de la réaction inflammatoire pouvant conduire à une pré-éclampsie et donc un accouchement prématuré ».
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Source : HAS – Le Fil Dentaire, Implication des parodontites dans l’athérosclérose, Dr. R. Smirani et Y. Lauverjat, 2017 – Observatoire de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal - Porphyromonas gingivalis in Alzheimer’s disease brains: Evidence for disease causation and treatment with small-molecule inhibitors, Science advances, 2019 - The role of oral hygiene in head and neck cancer: results from International Head and Neck Cancer Epidemiology (INHANCE) consortium, 2016, Annals of oncology – Inserm - Maladie parodontale et accouchement prématuré : revue de la littérature Claire Dapremont, université de Lorraine, 2022.
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Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet