Binge drinking : pourquoi certains sont-ils plus sensibles ?
08 août 2018
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Pour mieux comprendre le phénomène du binge drinking, des chercheurs ont mis au point une technique pour observer ce qu’il se passe lorsque cette consommation d’alcool devient rapide et excessive. Un pas en avant pour une prévention ciblée des profils à risque.
Jusqu’ici, aucun dispositif de recherche ne permettait de décrire le phénomène du binge drinking de façon réaliste. Cette tendance à « consommer beaucoup d’alcool dans un laps de temps très restreint, (…) et observée chez les jeunes en particulier », rappellent des scientifiques* du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances (GRAP), rassemblement de scientifiques engagés dans la meilleure compréhension « des conséquences cérébrales et cognitives » du binge drinking.
A ce jour, « nous avons notamment montré que ce comportement provoque des atteintes de la substance grise et de la substance blanche », explique le Pr Mickaël Naassila, président du GRAP.
Des rats soumis au binge drinking
Pour aller plus loin dans la compréhension du binge drinking, les scientifiques ont reproduit les conditions du binge drinking chez l’animal. Ils ont « donné à des rats un accès à de l’alcool pendant des périodes de 15 minutes, donc très courtes. Les animaux devaient activer un levier pour recevoir les doses d’alcool ». Et les facteurs motivationnels ont été pris en compte « puisque les animaux doivent volontairement s’auto-administrer l’alcool et fournir un effort en appuyant 3 fois sur un levier ».
Et les résultats chez les rongeurs sont plutôt fidèles au comportement humain. « Les animaux montrent des signes d’intoxication éthylique manifestes, avec une sédation et une incoordination motrice qui caractérisent le binge drinking », détaille le Pr Naassila. « Les animaux s’hyper-alcoolisent volontairement et rapidement. On observe toutefois des hétérogénéités, avec des bingers modérés (alcoolémie de 0,8g/litre) ou plus sévères (alcoolémie de 2.0g/l). Nous pouvons faire un parallèle avec nos travaux chez l’humain. »
Un modèle validé
D’autres paramètres ont permis de valider la fiabilité de ce modèle pour décrire ce comportement à risque. Des troubles de la locomotion se déclarent chez l’animal à partir d’un niveau d’alcoolémie de 0,8g/l, équivalent au seuil d’intoxication de la définition du binge drinking chez l’humain. Et les capacités de prise de décision étaient altérées chez les rats, « symptôme caractéristique » chez l’Homme.
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Cette découverte constitue une avancée majeure en termes de santé publique. En effet, la prévention contre le binge drinking doit protéger les jeunes contre « ce comportement dangereux et associé à un risque accru d’usage d’alcool excessif à l’âge adulte et de troubles de l’humeur ».
Diverses raisons de perdre le contrôle
Selon l’OMS, le binge drinking se définit à partir de « 5 à 6 verres d’alcool par occasion. Pourtant, de grosses différences existent entre les individus : certains consomment 10 verres par heure, d’autres 15, ou 20… et cela pour des raisons différentes, allant de l’envie de faire la fête au besoin de consommer pour faire face à leurs problèmes ou à leur anxiété, par exemple ».
Etant donné la diversité de ces profils, « il est essentiel de disposer d’un modèle expérimental opérant pour mieux comprendre ce phénomène, les facteurs de vulnérabilité associés et ses bases neurobiologiques » Il s’agit précisément de « mettre en évidence les déterminants individuels qui font que certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à ce genre de pratiques** ». En effet, « pour qu’une prévention chez l’humain soit efficace, il est nécessaire qu’elle soit ciblée. D’où l’intérêt de définir des sous-groupes ».
*unité 1247 Inserm/Université de Picardie Jules Verne, Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances, Amiens
** « différences entre mâles et femelles, le rôle de l’anxiété, des interactions sociales, de l’impulsivité, ou encore de facteurs environnementaux »